Partie I du dossier sur la bataille du golfe de Leyte ou la bataille de la Mer des Philippines : quel est l’affrontement le plus important de l’année 1944 ?
Bataille de la Mer des Philippines, fin de partie pour la force aéronavale japonaise, 19-20 juin 1944.
En l’an 1944, le Japon est dans une situation difficile, mais pas désespérante pour autant. Il a dû certes se mettre sur la défensive après les défaites de Midway et de Guadalcanal. Il a également perdu les îles Gilbert l’an passé (cf Tarawa) et les îles Marshall en janvier-février 1944. Cependant, le Japon dispose d’une flotte importante. Sa flotte, malgré la saignée de la campagne des Salomon et la fin de la Kidō Butai actée à Midway suite à la perte de quatre porte-avions lourds, est tout à fait respectable.
Elle compte dans ses rangs des cuirassés à la force de frappe efficace (Yamato, Musashi, Nagato par ex) et des porte-avions lourds dont ceux de la classe Shōkaku, qui sont les meilleures unités japonaises de leur catégorie. Les Américains ont pour eux un vivier de pilotes expérimentés de plus en plus importants, dont l’agressivité augmente au fur et à mesure que la qualité des pilotes japonais diminue. Ils ont également la supériorité numérique en matière de cuirassés, de croiseurs et de porte-avions. Parmi ces derniers, on compte plusieurs unités de la classe Essex (comme le Bunker Hill ou le Yorktown), la meilleure classe d’aircraft carrier de la guerre, tant dans son armement qu’en son endurance et sa capacité aérienne (jusqu’à 100 avions peuvent être embarqués). Enfin, les Américains ont des avions de bien meilleur qualités que les Japonais, comme le Grumman TBF Avenger ou le F6F Hellcat, meilleur chasseur embarqué de l’US Navy. Grâce à son armement (6 mitrailleurs de 12,7mm), son blindage et ses équipements électroniques, c’est un véritable tueur de Zero.
A l’origine de la bataille se trouve l’opération Forager, soit la conquête des îles Mariannes (à savoir Saipan, Tinian et Guam) par l’Oncle Sam, projet que nous ne pouvons détailler ici. Le 15 juin, les Américains débarquent sur l’île de Saipan. Commence alors une bataille difficile pour le contrôle de cette île, qui va durer presque un mois. Pour Tokyo, perdre Saipan est inacceptable. Cela serait mettre l’Empire à portée des bombardiers stratégiques de l’US Air Force (B-29 Superforteresse) tout en laissant une brèche immense dans son périmètre défensif. Aussi, la flotte japonaise doit agir vite et défaire l’US Navy pour mettre un terme aux opérations de débarquement américain. Sans soutient naval, l’ennemi ne pourrait continuer la conquête de Saipan, conquête parmi les plus sanglantes jusqu’à présent. La flotte japonaise est dirigée par le vice-amiral Ozawa Jisaburo. C’est un des officiers les plus compétents de la guerre côté japonais. Vétéran de la campagne de la Malaise et des Indes néerlandaises en 41-42, il est un des rares parmi les généraux de la Marine impériale à oser affirmer ouvertement, même après la mort de Yamamoto, que le porte-avion constitue le capital ship au détriment du cuirassé.
Il est expérimenté et tout à fait capable de commander une flotte aéronavale. Cette dernière se sent prête pour la revanche. Par exemple, on peut étudier le cas du navire amiral est le porte-avion Taihō, la plus moderne unité japonaise de son genre. Lancé en avril 1944, ce porte-avions possède la particularité de s’inspirer de la pensé aéronavale britannique. Celle-ci privilégie la protection directe du navire au détriment de la taille de ses hangars et donc de l’effectif du groupe aérien embarqué. C’est le seul de sa catégorie (avec le Shinano qui lui au départ n’est pas un porte-avion mais bien un cuirassé) a posséder un pont d’envol blindé. Son groupe aérien est donc en théorie plus faible que celui de la classe Shōkaku, mais le pont d’envol peut résister à des bombes de 500 kg. Les Japonais ne veulent plus connaitre un nouveau Midway, affrontement qui a mis en évidence la fragilité des ponts d’envol, aisément transpercés par les bombes des Dauntless. Ainsi, les avions du Taihō sont préparés et armés sur le pont d’envol blindé et non pas dans les hangars, ce qui constitue une rupture avec la doctrine japonaise en vigueur, et ce afin d’éviter que les avions explosent dans les hangars et créent des incendies incontrôlables, chose qui avait été fatal à Midway.
Ils voulaient également construire d’autres unités semblables au Taihō, mais le temps ne joue pas en la faveur de Tokyo. On peut également dire que les Japonais disposent d’avions plus performants que par le passé : aux côté de l’omniprésent Zero, qui reste à son poste faute de mieux, on a le Nakajima B6N2 Jill, successeur du B5N2 Kate, et le bombardier en piqué Yokosuka D4Y Judy, successeur du célèbre Aichi D3A Val qui fut surnommé le « fléau de Pearl Harbor ». Cette nouvelle génération d’appareils permet à la Marine Impérial d’avoir des avions plus robustes et plus rapides pour pourvoir renverser le conflit. La flotte aéronavale mobilisée, nommée la Ier flotte mobile, est cependant colossale, 90% des grosses unités disponibles sont engagées dans l’affrontement, et ce avec 680 avions de tous types, dont 250 basés à terre, surtout à Saipan.
Elle est à la mesure de l’importante de l’objectif à atteindre. Celui-ci, comme à l’accoutumée chez les Japonais, est double. D’une part, il faut à tout prix arrêter la progression des Américains en direction du cœur de l’Empire. Saipan, et sa petite sœur Tinian, sont d’une importance capitale au sien du périmètre défensif japonais, déjà fragilisé depuis un an. Situées à moins de 2 500 km du Japon, elles forment les derniers gros nœuds de communication ainsi de précieux îlots défensifs, des porte-avions insubmersibles autant que des forteresses que l’on espère imprenable.
Alors que les soldats de l’armée formant la garnison de Saipan se sacrifient jusqu’au dernier pour défendre chaque mètre carré de la mère patrie (700 d’entre eux sont morts rien que dans la nuit du 16 au 17 juin) il serait inconcevable que l’état-major de la marine ne fasse rien pour défendre le territoire, et par la même occasion son honneur. Le but est donc d’une part de sauver Saipan, et d’autre part de détruit l’US Navy en ciblant ses précieux porte-avions, en coordination avec les avions basés à terre. Cette bataille, que l’on espère décisive (la pensée stratégique de Yamamoto, qui ne croyait pas au mythe de Tsushima, a disparue en même temps que l’amiral le 18 avril 43), va être menée grâce au plan Z. Ce dernier, si on le simplifie, se base sur la coordination entre les forces terrestres de Saipan/Tinian et les forces navales. Il faut d’une part détruire tout porte-avion américain à portée, et d’autre part prendre possession des eaux territoriales de Saipan pour y détruire les navires américains en couverture et donc soulager les forces armées japonaise qui y combattent. La flotte japonaise se met en marche le 13 juin, depuis les îles qui entourent la métropole dont Iwo Jima, qui passera à la postérité début 1945. Elle n’a pas pris la mesure du potentiel adverse, largement en deçà des estimations japonaises.
En face, les Américains ont mis le paquet. Pour l’opération Forager, soit l’invasion des îles précitées avec Guam, 775 navires de tout types, du destroyer au cuirassé, ont été mobilisées. 250 000 marins, 100 000 soldats de l’US Army et des Marines sont engagés dans la bataille, sans compté 956 avions. L’US Navy est commandé par l’amiral Raymond A. Spruance, secondé par le vice-amiral Mitsher. Spruance est un homme très compétent, calme et réfléchit. Il est respecté de tous, et ce bien avant sa victoire à Midway puisqu’il était un membre influent au sein de la Navy dés 1940. La méthode de conquête pour les Mariannes est, comme pour les Gilbert l’an passé, celle de saute-mouton, c’est-à-dire on avance d’île en île. Même si cette force est répartie sur une large zone, et qu’en fait un tiers de ses moyens seulement affrontera les Japonais à la bataille de la Mer des Philippines, elle est très redoutable.
En plus de la supériorité numérique en matière d’avions, les Américains peuvent compter sur un matériel éprouvé et pilotés par des hommes expérimentés, alors que les pilotes japonais sont pour la plupart novices et que la majorité des vétérans ont disparus en 1943. Surtout, l’US Navy sait tirer partis des faiblesses logistiques japonaises. Les sous-marins de classe Gato harcèlent les convois japonais en partances des Indes Néerlandaises. Rien que depuis début juin 44, trois pétroliers et quatre destroyers ont été coulés par des sous-marins, ce qui diminue la capacité offensive ennemie. Leur plan est simple : sachant que la flotte mobile va se porter à leur rencontre, l’amiral Spruance, méthodique et prudent comme à son habitude, va les laisser s’approcher pour ensuite les forcer à accepter un combat naval type Midway. Il sait grâce au renseignement que l’US Navy est largement supérieur en nombre à sa rivale, surtout en termes de porte-avions lourds. Cependant il veut couvrir les opérations sur Saipan, et de fait il conserve une importante partie de ses forces sur son flanc.
Pour affronter Ozawa, il mobilise la 5th Fleet, la plus puissante de toutes, qu’il commande depuis avril 1944. Spruance, le vainqueur de Midway et véritable vedette de l’US Navy (ce qui attire forcément la jalousie de ses coéquipiers, Halsey notamment) a été choisit par Nimitz pour mener à bien cette opération, jugée difficile. Il sait qu’il doit d’une part assurer la progression des soldats à terre en leur assurant une logistique infaillible, et d’autre part se protéger contre toute attaque navale. C’est un homme tout a fait charismatique, réputé pour un intellectuel qui sait agir vite et avec précision, et qui a pleinement confiance au potentiel de ses forces. Sa seule crainte est de ne pas livrer un combat de nuit, domaine dans lequel les Japonais excellent. Il ne faudrait pas reproduire les erreurs tactiques apparues lors de la campagne des Salomons en plein océan Pacifique, au risque de perdre de précieuses unités. Lui aussi, comme Ozawa, veut mener une bataille importante, sinon décisive qui pourrait accélérer le cours de la guerre. Le 18 juin, la flotte japonaise s’approche de la zone de Saipan, et entre les deux se situe la 5th Fleet, commandée par Spruance. Celle-ci comporte 7 porte-avions lourds de classe Essex, autant de porte-avions légers, 7 cuirassés, 79 croiseurs ou destroyers et surtout 29 sous-marin, avantage surprise que Spruance compte bien utiliser. La bataille peut commencer, chacun sait que la moindre erreur tactique se payera très chère.
I-1 : Ozawa lance ses raids contre les Américains
Ozawa a misé gros sur la bataille de la Mer des Philippines : tous les porte-avions japonais sont mobilisés, dont les deux unités de la classe Shōkaku, les vénérables et redoutables Shōkaku et Zuikaku, ainsi que le porte-avion Taihō, dernier née des ateliers de construction maritime de Kobe. A ces trois porte-avions lourds, tous regroupées au sien de la Force A, le corps principal d’attaque de la flotte, s’ajoute 6 porte-avions légers, trois Sentai de cuirassés, avec 5 cuirassés dont le Yamato et le Musashi, et une quarantaine de croiseurs et de destroyers. Après l’échec d un premier raid japonais venant de Guam tôt dans la matinée, Ozawa décide de frapper le premier. La meilleure défense, c’est l’attaque dit-on. Le ciel est dégagé, il fait beau, et Ozawa peut compter sur les alizés du sud-est pour l’aider à faire décoller ses avions. Son objectif : percer la défense ennemie pour détruire les porte-avions. Au 19 juin, 8h30, il lance un raid, le premier d’une série de quatre.69 avions décollent, dont une majorité de Zero armée d’une bombe de 250 kg. La moitié des appareils de reconnaissance ayant été abattus, Ozawa ne dispose que d’informations partielles. Néanmoins, il s’est rapproché assez de la flotte américaine pour pouvoir lancer ses frappes. Les appareils ne sont pas censés revenir sur les porte-avions, il est prévu qu’ils aillent atterrir à terre vers Guam, décision prise en raison du manque criant de carburant.
« Les Japs arrivent » peut-ont entendre dans l’état-major de Spruance. Celui-ci réagit immédiatement, sachant que la cible sera sans aucun doute ses porte-avions. Grâce à leurs radars performants, les Américains repérèrent vite les Japonais et savent combien ils sont. Les F6F décollent et exterminent le premier groupe qu’ils croisent : les 25 appareils sont tous abattus. 17 autres sont également descendus, et un seul Zero a endommagé un navire américain, le cuirassé South Dakota. Environ 42 avions japonais ont été descendus, en majorité par des Hellcat. Les Zero, alourdis, par leurs bombes de 250 kg, n’ont rien pu faire. Ozawa, qui ignore le carnage, lance un second raid. Celui-ci est le plus imposant : 128 avions, dont 48 Zero, 53 bombardiers en piqué Judy et 25 torpilleurs B6N2 Jill, sont lancés par les porte-avions lourds de la force A. Le raid est détecté à 115 miles nautiques des porte-avions, ce qui laisse du temps aux Américains pour se préparer et envoyer les chasseurs de la Navy. Les minutes qui vont suivre sont un carnage. Les F6F explosent l’escorte, puis s’attaquent aux lourds bombardiers torpilleurs. Les groupes aériens japonais, trop serrés pour faire des manœuvres d’esquive, sont pris en tenaille et attaqués de toute part. L’océan est constellé de tâches brunes et de débris enflammés par le carburant. Seuls une vingtaine d’avions parvient à se rapprocher des porte-avions, surtout des Judy, mais le feu de la DCA est terrible.
Trop isolés, ayant une escorte plus que mince, les bombardiers en piqué japonais pourtant très rapides ne peuvent effectuer leurs missions convenablement, et son harcelé par la DCA ou les chasseurs. De fait seul le porte-avions Bunker Hill est endommagé. Un avion réussit à s’écraser sur le cuirassé USS Indiana, sans faire de dégâts. Le prix à payer pour ce raid est très élevé. 97 avions japonais ont été descendus. Les Hellcat, ayant un plafond d’altitude plus élevé que les Zero, ont grimpés puis attaqués dos au soleil les escadrilles. Chaque passe fait un massacre, car les avions japonais sont peu blindés et trop regroupés, et les balles de 12,7 mm traversent avec facilité leur faible blindage. La bataille de la Mer des Philippines est le tombeau des zéro japonais.
Ozawa, qui sous-estime ses pertes, lance deux autres raides afin de déborder les défenses ennemies. La troisième attaque, lancée à 10h15 avec 47 engins, n’a pas plus de succès que les précédentes. La moitié des avions se perd et retourne, faute d’objectifs, sur leurs porte-avions. L’autre groupe est assaillit par une patrouille américaine, et malgré le fait que les Zero abattent presque une dizaine de F6F, 7 avions japonais sont abattus. Les autres fuient ou larguent leurs bombes prématurément. Pour le dernier raid, Ozawa envoi ce qu’il reste de ses bombardiers. 85 avions, dont 42 Zero, la plupart en configuration chasseur-bombardier, et 27 bombardiers en piqués sont mobilisés. Une partie du raid se détourne sur Guam, faute de coordination, et n’attaquent pas les porte-avions. Ils se font à la place interceptés par des F6F et se font inutilement massacrés. 19 avions sur 50 arrivent à Guam, les autres ont finis dans le Pacifique. En revanche l’autre groupe n’est pas détecté par les Américains, qui les laissent s’approcher.
En fait, il y a eu une erreur d’analyse, dans la mesure où les Américains ont surestimés l’altitude des avions japonais, ce qui a fait échouer en partie l’interception. Le Bunker Hill est une nouvelle fois attaqué et endommagé par des coups touchants, mais le feu de la DCA est une nouvelle fois efficace. Bien coordonnées, guidés par des télémètres précis, les 40 mm des navires d’escorte abattent de nombreux avions. Au total 72 avions sur 85 ont été abattus ou endommagés durant ce quatrième et dernier raid. Voila pourquoi on surnomme la Mer des Philippines « le tir aux pigeons des Mariannes » : quatre interceptions pour quatre raids, un feu de DCA tout à fait efficace et des F6F qui ont dominés sans partage les emblématiques Zero. Ca a été presque trop facile pour les Américains. Pour 29 appareils abattus et deux navires endommagés, 315 avions nippons doivent être rayés des listes, et ce avec la majorité des équipages expérimentés restants de la Marine Impériale. Et encore, ce n’est que le début de la fin.
I-2 : La Ier flotte mobile prise à revers, la mort du Tahio et du Shōkaku.
Bataille de la Mer des Philippines, alors que les Japonais se font massacrer dans le ciel, les sous-marins lancés par Spurance la veille (au 18 juin) traversent le périmètre de la flotte japonaise. Leur objectif est simple : torpiller toutes les grosses unités à leur disposition. Faute de radars performants et de couverture aérienne suffisante, vu que les Zero ont été mobilisés pour les raids, personne ne détecte les sous-marins américains. Ozawa ignore totalement que sa flotte est pistée depuis presque deux jours par des sous-marins, et le fait même de ne pas mettre une couverture aérienne par prudence constitue une grave erreur, peut-être la pire de la bataille. Le 19 juin, tôt dans la matinée, le sous-marin USS Albacore repère le porte-avion Taihō. C’est une unité de la classe Gato, type de sous-marin le plus répandu dans l’US Navy. Fiable, endurant et discret grâce à son récent moteur diesel-électrique, il possède jusqu’à 10 tubes lances torpilles avec un stock de 20 à 25 torpilles, largement assez pour couler tout ce qui flotte.
A 8h30, après s’être faufilé sous l’escorte de destroyers, il tire six torpilles à 4 800 mètres. La majorité d’entre elles ne touchent rien, car un problème électrique à rendu le calculateur de tir inopérant. Cela dit, une torpille atteint le Taihō à l’avant tribord. Si le blindage des compartiments empêche une grosse voie d’eau de survenir, l’onde de choc endommage plusieurs conduites de carburant d’aviation, car la torpille a explosé à un endroit proche des réserves de kérosène avant. Le bâtiment reste cependant opérationnel, grâce à sa conception moderne et à son efficace cloison anti-torpille. A son bord, le vice-amiral Ozawa a senti le choc et inquiet pour son navire demande des rapports.
Pour le Shōkaku, tout va se passer différemment. Pisté depuis le 18 juin par le sous-marin USSCavalla (lui aussi de la classe Gato), l’équipage du porte-avion est trop occupée à organiser les décollages de son groupes aériens.et ne se doute pas qu’un danger les guette sous la surface. L’USSCavalla a donc le temps de se rapprocher de sa cible, et tire une salve de 6 torpilles à moins de 1 000 mètres vers 11h52. La moitié ne fait pas mouche, car le Shōkaku reste une cible rapide malgré sa masse, mais les trois autres le frappe, toutes à tribord. Deux torpilles touchent la proue du navire, presque au même endroit, provoquant une onde de choc terrible qui endommage gravement les installations électriques et occasionne une importante voie d’eau. Une torpille touche le centre du navire, près du hangar inférieur ou sont stocké avions et munitions, ce qui déclenche un grave incendie.
Ce dernier n’est pas maitrisé par les équipes incendies, et les rideaux d’amiante du navire censés empêcher la propagation des flammes sont inefficaces, probablement faute d’entretien. Des vapeurs de carburant hautement inflammables se répandent, on évacue le hangar et les objets explosifs. Mais le pire arrive rapidement: une bombe entreposée non loin du hangar explose, tuant de nombreux hommes. Il est alors 12h10. Les incendies deviennent incontrôlables, les puits d’ascenseur deviennent un véritable brasier. La voie d’eau de l’avant accélère la catastrophe et le Shōkaku devient un navire en perdition. Il est évacué à 13h50, puis coule avec 1 272 personnes. 570 hommes sont évacués, dont son commandant qui a refusé jusqu’au bout de quitter la passerelle.
L’USS Cavalla a échappé quand à lui à plusieurs attaques de la part de destroyers japonais, et pourchassé par des grenades sous-marines il fuit sans demander son reste. Tout n’est pas fini, car le Taihō va lui aussi rejoindre le fond de l’océan. En effet, le porte-avions continue toujours de naviguer, mais son équipage va prendre une mesure qui va sceller son destin. Pour éviter que des vapeurs de kérosène se tassent, l’équipage décide de ventiler le navire afin de purifier l’air. Or, le mazout utilisé en ce moment sur le Taihō est de mauvaise qualité. Et pour cause : il s’agit du pétrole de Tarakan, moins chère à produire mais qui est peu raffiné et se ventile très mal. Il possède une forte teneur en souffre et est par conséquent bien plus volatile que les autres types de mazout. Depuis les réservoirs de carburant avant, fissurés à cause de la torpille, des vapeurs très dangereuses se diffusent dans les entrailles du navire.
Après plusieurs heures de diffusion, et ce grâce à l’efficacité du récent système de ventilation japonais dont dispose le Taihō, une étincelle d’origine inconnue se produit. En quelques minutes, une grosse explosion secoue le navire amiral, suivie par de plus petites. Comme les équipages incendies sont décimées, ordre est donné d’abandonner immédiatement le porte-avion. Ozawa et son état-major se réfugient sur le croiseur Haguro. Le Taihō, porte-avion moderne qui avait été conçut selon les leçons tirées de Midway, sombre avec 660 hommes. En moins de deux heures, par manque de méfiance et de renseignements, la Ier flotte Mobile a perdue deux de ses trois porte-avions lourds, et se voit amputé d’un gros tiers de son potentiel offensif. Il ne reste plus que le Zuikaku, dont l’escorte se renforce pour éviter l’attaque de sous-marins, ainsi que des porte-avions légers au potentiel moindre. La bataille de la Mer des Philippines est une catastrophe pour la marine Nippone.
I-3 : La tf 58 contre-attaque, fin de la Bataille de la Mer des Philippines
Ozawa, qui apprend l’ampleur des pertes, ne perd pas espoir et décide de prendre une pose après avoir mazouté. Il ordonne alors le replie sa flotte pour réorganiser ses forces. Il espère compter sur les forces aériennes de Saipan, mais cela est une illusion. Pendant ce temps, Spruance comprend qu’il a encaissé sans trop de dommage l’attaque principale ennemie. C’est désormais à son tour de riposter, tant qu’il est à portée des Japonais. Cependant, faute de renseignement, il ne fait rien pendant deux longues heures, ce qui laisse du temps à Ozawa pour se replier. De son côté, le vice-amiral Mitscher, commandant la tf (task force) 58 (corps principale de la 5th fleet) parvient à capter en fin d’après-midi un rapport de reconnaissance tant attendu. Ce dernier dit qu’il vient d’apercevoir des porte-avions japonais, dont il ignore le type, mais qu’ils se trouvent à 275 miles nautiques.
C’est une distance considérable, cela veut dire que les avions américains, lourdement blindés, devront effectuer un raid de nuit et avec peu de carburant pour le retour. Une mission risqué et probablement très coûteuse donc. Mais Mitscher, convaincu de tenir un nouveau Midway, saisit cette occasion et lance l’attaque sans tarder. A 16h10, 216 avions américains décollent vers les coordonnées de la Ier flotte mobile. Le raid comprend 85 F6F et 54 torpilleurs Avengers, les bombardiers en piqué forment le reste. Vers 18h25, alors que la nuit commence à tomber, les Américains tombent sur l’arrière-garde japonaise et coulent deux pétroliers. Dix minutes plus tard, ils trouvent le corps principal avec les porte-avions. Comme seul un groupe de huit Avengers est équipé de torpilles (on a préféré équiper le reste de bombes moins lourdes pour gagner en rayon d’action), ordre est donné de torpiller le premier porte-avion venu. La DCA est très présente, et Ozawa a fait décoller 75 avions, dont tous ses Zero, pour barrer la route aux Américains. De fait les combats sont acharnés, 20 avions de la Navy sont abattus, dont 6 par la DCA. Les huit Avengers armée de torpilles se faufilent à travers la DCA, aidé par leur blindage qui absorbe de nombreux éclats, et attaquent le porte-avions Hiyō.
Quatre torpilles sont larguées, et une touche le navire à l’arrière-tribord. Le porte-avion léger, sévèrement touché aux compartiments machines, ne survivra pas à l’incendie qui se déclenche et chavire. Une fois encore, les vapeurs et les fuites de carburant qui se propage augmentent l’intensité des flammes et accélèrent la mise à mort du navire. Il coule vers 20h30. Son sister-ship le porte-avion léger Junyo est attaqué à la bombe de 227 kg et est légèrement endommagé. Le porte-avion léger Ryuho encaisse 5 bombes et doit baisser sa vitesse. Il ne peut plus accueillir d’avion (le pont d’envol est troué), ce qui est peu important vu que l’aviation japonaise est décimée. 60 avions nippons sont descendus, trois fois plus que les Américains, il n’y a presque plus de Zero dans le ciel. Le Zuikaku, dernier porte-avion lourd et dernier survivant de Pearl Harbor, est la cible de plusieurs attaques de la part des Avengers. Grâce à sa vitesse et à l’expérience de son équipage, il évite trois torpilles et au moins six bombes. Il encaisse cependant une bombe de 227 kg qui tombe près du hangar supérieur. Un incendie se déclenche, mais il est maîtrisé. Le cuirassé Hanura, qui se trouvait-là pour escorter les précieux porte-avions, est lui ciblé par les bombardiers en piqué.
Il encaisse une bombe qui défonce sa proue et une autre à l’arrière, sans parler d’un coup touchant qui endommage ses hélices et le force à ralentir. Devenu une cible lente, ses superstructures se font mitrailler par les Hellcat et les Avengers. Il ne doit son salut qu’à l’obscurité. Il fait désormais nuit noir, et les Américains replient. Pour la première fois dans l’histoire de la Navy, les avions doivent rentrer dans le noir complet. Tous n’ont pas assez de carburant, surtout que beaucoup d’avions sont endommagés.
Pour les aider, Mitscher prononce ce fameux ordre : « Eclairez les portes-avions ! ». Cela sert à aider l’appontage en pleine nuit, au mépris de la menace sous-marine. De nombreux avions se crachent littéralement sur les ponts d’envol, ce qui les rend parfois inutilisables pour les avions suivants. La confusion règne, il fait nuit noir et les appontages sont très compliqués. Des dizaines d’avions amerrissent faute de carburant, et les équipages sont repêchés tant bien que mal. C’est le raid américain le plus couteux de la Guerre du Pacifique, avec un taux de pertes frôlant les 50%. Pour le prix de 123 avions (vite remplacés), un porte-avion a été coulé et six navires japonais sont endommagés. Spruance a gagné la bataille de la Mer des Philippines, même si la bataille décisive que voulaient les Américains n’a au final pas eu lieu. Ozawa se replie sur Okinawa pour faire réparer ce qu’il reste de ses porte-avions. Même si Tokyo n’a pas dit son dernier mot, Washington est satisfait et peut continuer ses opérations sur Saipan.
Photos prises sur le site wikipédia
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