<style>.lazy{display:none}</style>La bataille de la Moskova, le choc des titans tant désiré.

La bataille de la Moskova, le choc des titans tant désiré.

Combat entre russe et français à la bataille de la Moskova

Le 5 septembre en milieu d’après midi, Napoléon et la grande armée arrive sur les bords de la rivière Moskova. La bataille de la Moskova s’engage à 17h.

Remise en contexte : la campagne de Russie

Lorsque Napoléon franchit le Niémen le 24 et 25 juin 1812, il est motivé par plusieurs raisons. Les relations entre la Russie et l’Empire, cordiales à Tilsit en 1807, se sont dégradés au fil du temps. D’une part, Napoléon reproche au Tsar Alexandre de n’avoir rien fait pour l’aider à vaincre l’Autriche en 1809. Il a dû mener une dure campagne de sept mois, indécise jusqu’au bout, qui l’a fortement épuisé, lui et ses troupes. Pire, le Tsar se rapproche de l’Autriche en renouvelant ses amitiés avec l’empereur autrichien, ce qui énerve Napoléon. Son refus de donner en mariage une des filles a également forcé l’Empereur à demander la main de Marie-Louise, ce qui n’était pas prévu au départ. D’autre part, la Russie ne respect pas les engagements qui furent énoncés à Tilsit. Moscou refuse de faire pression sur l’Autriche, tout comme elle refuse d’appliquer le blocus continental sur son sol, seul moyen pour l’Empire de vaincre l’Angleterre.

Napoléon avait de son côté respecté les demandes du Tsar, en ordonnant par exemple la dissolution de la Grande Armée, effective après l’entrevue d’Erfurt fin 1808 (bien qu’en réalité une grande partie des effectifs est expédiée en Espagne). Napoléon a également été clair à Tilsit : si la Russie n’aide pas la France à vaincre Londres en l’acceptant comme « l’ennemi commun », elle devient de facto un adversaire. Ajouter à cela le double-jeu de Talleyrand et la question de la Pologne (Moscou exige des territoires polonais qui lui appartenait), et vous obtenez une situation politique assez explosive entre les deux grandes puissances continentales. Napoléon veut alors mettre le paquet, et concentrer toutes ses forces sur cet ennemi qui, depuis 1805, se dresse contre lui. Quitte à oublier la question espagnole, qui mobilise une partie non négligeable de ses forces et qu’il n’arrive pas à régler. Peu importe, la nouvelle Grande Armée qu’il mobilise début 1812 doit et va vaincre l’armée russe et calmer Moscou. Pour cela, Napoléon fait appel à ses alliés, lesquels vont, de grès ou de force, fournir une partie importante des effectifs. Polonais, Bavarois, Italiens, Wurtembergeois, Hollandais…

Le destin en marche

La Grande Armée devient, comme l’était l’armée d’Alexandre le Grand à son apogée, une véritable mosaïque de nations. Plus de 450 000 soldats, 200 000 chevaux et des centaines de cannons franchissent le Niémen. Napoléon voit cette campagne de 1812 comme celle de 1805 et de 1806, à savoir battre l’adversaire lors d’une rencontre décisive. Il espère que le Tsar lui proposera une nouvelle paix après avoir subit un nouvel Austerlitz ou un nouveau Friedland. Mais encore une fois, la réalité va être différente. La campagne se révèle être longue, et pénible pour la logistique au fur et à mesure de la progression. Surtout, les Russes se dérobent à chaque fois. Barclay de Tolly, commandant des forces russes, applique la même tactique que Bennigsen en Pologne : la terre brûlée et la retraite. Sauf que là c’est sur une plus grande échelle. La Grande Armée peine à se ravitailler, les récoltes sont brulées par les soldats russes. Au 16 juillet, un tiers des effectifs de celle-ci est indisponible : des contingents sont restés en arrière pour garder des villes, tandis que le nombre de déserteurs et de malades augmente sans cesse. Napoléon poursuit ardemment les Russes, comme il le faisait en 1807. Il veut sa bataille décisive.

Il croit l’obtenir devant Smolensk entre le 15 et le 19 août, mais Barclay de Tolly préfère sacrifier la ville et une partie de son arrière garde, non sans résistance. Smolensk est une victoire française, mais elle est sanglante (5 000 français hors de combat), et Napoléon laisse échapper encore une fois l’armée russe. Pire, la ville est en feu et elle ne peut ni nourrir ni loger les soldats de la Grande Armée. Pour l’Empereur, ca craint : son armée s’épuise suite aux nombreuses marches forcées, et il n’arrive pas à coincer l’armée russe pour la forcer à livrer bataille. Un élément va cependant changer la donne : le ménage réalisé dans l’état-major russe. Les généraux du Tsar en ont marre de Barclay de Tolly et de ses reculades à outrance. Cet homme, qui n’est d’ailleurs considéré comme un étranger à cause de ses origines écossaises, est accusé par de nombreux officiers comme un lâche, prêt à vendre la Sainte Russie à «l’ogre corse ». Bagration n’a surtout pas accepté son ordre de retraite devant Smolensk, alors qu’il avait largement les moyens de tenir la ville. Bennigsen le considère aussi comme un traitre, incapable de savoir se décider pour livrer bataille.

Le 29 août 1812, il est démit de ses fonctions et l’armée russe est confié à Koutouzov. Ce dernier est âgé (67 ans) mais il est rusé et très expérimenté. Ayant affronté Napoléon à Austerlitz, il sait de quoi est capable le génie du Corse. Barclay de Tolly est rétrogradé et assigné au commandement de la 1ère armée de l’ouest. Koutouzov, malgré sa méfiance, sait qu’il n’a pas le choix : il ne peut abandonner Moscou sans combat. Il faut montrer à « l’ogre corse » ce qu’il en coûte d’envahir la terre des Tsars. Ironie du sort, son chef d’état-major n’est d’autre qu’un certain…Bennigsen !

Borodino ou Moskova

La plus grande bataille de l’an 1812 va se dérouler à Borodino, sur les bords de la Moskova, à quelques 125 km de Moscou. Le champ de bataille est plus étendu qu’à Eylau, il dépasse les 5 km de large. Pas de neige ni de boue pour gêner le déplacement des sodlats. En revanche, Koutouzov a construit de nombreux emplacements «fortifiés » : des redoutes.  Ces redoutes, bien équipée en canons, sont construit selon le model suivant : il y a des « trous de loups », qui sont en fait des pièges destinés à l’infanterie, un fossé de 10 mètres de large et profond de plusieurs mètres pour empêcher toute attaque de cavalerie. Il y a ensuite un glacis qui abrite les canons, et quelques tranchées pour permettre à l’infanterie de tirer à l’abri. Ces ouvrages de défenses doivent briser net toute attaque ne force de la Grande Armée. Surtout, Koutousov et Bennigsen ne veulent pas d’un second Eylau. Ils redoutent une charge massive de cavalerie. On ne veut pas d’une nouvelle « charge des 80 escadrons », comme celle qui avait détruit la cohésion du centre russe à Eylau, rendant toute progression impossible. De même, le champ de bataille n’est pas plat, il est vallonné et comporte de nombreuses collines. Koutousov, ayant choisit ce terrain pour livrer bataille, veut l’exploiter à fond.

Début septembre, les collines sont transformées en redoutes, le village de Borodino est également fortifié. Ces redoutes sont des ouvrages défensifs redoutables est bien pensés. Bien pourvu en artillerie (une vingtaine de canons en général), elles sont capable de se défendre en autonomie. Elles ont la forme d’une flèche, pour pouvoir se  défendre sur trois cotés et aussi pour mieux encaisser le choc d’une cavalerie. Il y a plusieurs redoutes russes : la redoute de Chevardino, située au sud-ouest du village de Borodino et qui joue le rôle d’avant-poste. Il y a la Grande Redoute, la plus puissante d’entre elles, et qui se situe au centre du dispositif russe. Le flanc gauche est gardé par les trois flèches de Bagration (qui dirige le flan gauche), qui sont en fait un glacis qui couvre le ruisseau de Semyonovka censés empêche tout débordement au sud. Le flanc droit est couvert, en dehors du village fortifié de Borodino, par des ouvrages moins imposants. Ce sont parfois de simples tranchés et ou des talus derrières lesquels s’abritent l’infanterie russe. En face, Napoléon poursuite Koutousov et le talonne avec l’ensemble de sa Grande Armée. La bataille commence le 5 septembre 1812, mais comme à Eylau, il ne s’agit que d’un avant goût. 

La bataille de la Moskova, 5 septembre 1812

Napoléon arrive devant Borodino le 5 septembre en milieu d’après midi. Le temps d’organiser ses forces et d’examiner les avant-postes russes, il ne lance l’attaque que vers 17 heures. La cible : la redoute de Chervadino, qui lui bloque la route. La plupart de ses forces sont encore en marche lorsque les hostilités commencent, mais Napoléon ne veut pas attendre. Les Russes ont eu assez de répit. Il dispose de l’avant-garde de la cavalerie de Murat, et du Ier corps de Davout (ex IIIe corps, incomplet). Il charge la division du général Compans (qui appartient au corps de Davout) de prendre la redoute, aidée par la cavalerie. L’assaut est difficile. La 27e division russe qui garde la redoute se bat bien. Cependant, elle se retrouve encerclée lorsque la cavalerie russe, qui assure ses arrières,  est battue par celle de Murat. Les fantassins français ont donc le champ libre pour attaquer la redoute sur tous ses côtés. Les canons russes chargés de mitraille prennent un lourd tribut chez les hommes de Compans. Napoléon envoie alors des renforts à sa division, ce que ne fait pas Bagration. La redoute est prise après un violent corps-à-corps.

Les Russes, en infériorité numérique, fuient la redoute pour ne pas être tués sur place. Il est alors 20 heures. Bagration, voyant cette retraite, envoi des renforts pour reprendre Chevardino, mais c’est trop tard. Les dragons russes sont font massacrer par le feu français. Les soldats russes parviennent à reprendre deux canons, mais c’est tout. A 22 heures, les combats cessent, car la nuit rend toute manouvre compliquée. Napoléon a capturé tous les avant-postes ennemis. Il a maintenant une vue d’ensemble sur le champ de bataille. Les combats ont été durs. Près de 1500 français ont été tués ou blessés pour seulement quelques centaines de mètres. En face, la 27e division a perdu 3 000 hommes ainsi que la première redoute. 

La bataille de la Moskova, 6 septembre 1812 : 

Chaque camps se repose et se prépare pour le combat, que l’on espère décisif. La vraie bataille aura lieu demain. Tandis que Napoléon rassemble le plus de troupes possible, Koutousov en profite pour renforcer ses défenses, notamment en agrandissant ses redoutes. La prise de Chevardino est regrettable, car Napoléon possède désormais un excellent observatoire sur l’ensemble du champ de bataille. . Koutousov sait qu’il peut s’appuyer sur des nombreux points fortifiés, et ce sur chacun de ses flancs. Il contrôle encore le village de Borodino. Les forces rassemblées de part et d’autres sont colossales. Koutousov dispose de 128 000 hommes, 640 canons, et plus de 24 000 cavaliers. Les cosaques et les miliciens de Smolensk, aux qualités militaires discutables, ne sont pas pris en compte. Bagration couvre le flanc gauche, avec ses flèches et deux corps, le 7e de Raïevski et un autre en réserve, le 8e corps.

Au centre, Koutousov a massé de nombreuses forces : le 3e corps de cavalerie, une partie du 7e corps de Raïevski ainsi que la Garde russe, tenue en réserve. Le flanc droit est couvert par le Ve corps de Doukhtourov et le IVe corps d’Ostermann. Son plan est simple : contenir les assauts français grâce aux redoutes, puis enfoncer le centre adverse. De son côté, Napoléon dispose de 130 000 hommes, dont 28 000 cavaliers et 580 canons. Les forces sont donc à peu près égales. Il a jugé que le flanc gauche russe est le moins défendu, car il possède moins de soldats que tout autre endroit du dispositif russe. C’est donc là qu’il faut attaquer. Depuis son observatoire situé sur la redoute de Chevardino, l’Empereur multiplie dans la journée ses observations et échafaude un plan : enfoncer le flanc droit des Russes tout en maintenant une pression au centre. Cela les oblige à se battre à fond sur plusieurs endroits à la fois. A noter que des Polonais combattent dans les deux camps : la cavalerie de Poniatowski côté français et dans certains régiments côté russes, comme des Uhlans polonais.

Son flanc gauche concentre donc de nombreuses forces : le Ier corps de Davout (ex IIIe) et le Ve corps de Poniatowski, l’allié polonais de l’Empire. En réserve, la cavalerie de Murat. Au centre, le IIIe corps de Ney et le VIIIe corps de Junot. La Grade impériale sert de réserve. A droite, il y a uniquement le IVe corps du prince Eugène, fils de Napoléon et de Joséphine de Beauharnais. Il ne faut pas se leurrer : c’est le plus diminué des corps de la Grande Armée. A noter que Davout veut que lui et Poniatowski fassent un mouvement tournant pour mieux percer le flanc droit russe, mais Napoléon refuse. Cela prendrait plus temps et nécessiterait davantage de forces. A place, il prélève deux divisons à Davout (divisions Morand et Gérard) pour renforcer Eugène et le flanc gauche. C’est une erreur, mais on y reviendra par la suite. Chacun des protagonistes est prêt au combat. Cependant, l’intensité de la bataille qui va suivre va dépasser toutes leurs imaginations….

La bataille de la Moskova, 7 septembre 1812 : 

C’est le grand jour, le « soleil d’Austerlitz, selon les mots de Napoléon lors qu’il aperçoit à la lueur de l’aube la Moskova. Il a même fait venir un portrait se son fils le Roi de Rome, qu’il fait exposer devant sa tente. Les officiers haranguent leurs soldats. Ils font passer un discours de l’Empereur, qui commence par ces mots : « Soldats, voila la bataille que vous avez tant désirée. Désormais, la victoire dépend de vous ; elle nous est nécessaire […] et que l’on dise de vous : Il était à cette grande bataille dans les plaines de Moscou ! ». Les soldats crient, s’exclament, puis marchent au front. Napoléon observe tous les mouvements, depuis la redoute de Chevardino. La canonnade commence vers 7 heurs du matin. C’est la canonnade la plus intense jusqu’à présent, avec plus d’un millier de canons réunis de part et d’autres.

Le prince Eugène attaque le premier à droite. Il attaque le village fortifié de Borodino. Avec l’appui de l’artillerie, qui détruit le village, le 106e régiment d’infanterie parvient à percer les défenses russes. Ses pertes sont lourdes, les chasseurs de la Garde russe interviennent en renfort et menace de repousser les français à la baïonnette. Il faut l’intervention de toute l’artillerie française du secteur plus le renfort du 92e de ligne pour prendre le village. Il restera français jusqu’à la fin de la bataille. Le 106e a payé le prix fort : 38 officiers tués ou blessés sur 80 (dont le général Plauzonne) et près de mille hommes hors de combats sur un effectif de 2174. La prise de Borodino fut malgré tout assez simple, quand on la compare aux redoutes du flanc gauche et du centre.

A 9 heures, les français attaque la Grande Redoute, clef de voute de la défense du centre russe. La division Morand, du Ier corps de Davout, attaque la première. Mais elle ne progresse pas et perd de nombreux hommes sous le feu russe. Seule face à la Grande Redoute, elle est très exposée et doit battre en retraite rapidement. Premier échec français. Sur le flanc droit, Napoléon, conscient que les flèches de Bagration représente un sacré morceau à attaquer, met le paquet dés le début. L’ensemble du corps de Davout aidé par les dragons de Grouchy foncent sur les défenses russes, au cri de « A Moscou ! ». Bagration plie devant cet assaut, mais envoi ses hussards et contre-attaque Grouchy. La première flèche russe est prise, mais les forces françaises qui la défendent sont exténuées. Sans soutient de cavalerie, elles doivent se replier. Napoléon envoi alors Ney à l’assaut, aidé par la cavalerie de Murat. Les flèches sont prises, puis perdues et reprises au fil des heures. Bagration expédie renfort sur renfort, car il sait que s’il perd ses trois flèches, c’est tout son dispositif défensif qui est menacé.

Les pertes s’accumulent de part et d’autre, la motivation française du matin diminue peu à peu. L’ennemi sait se battre, et il le prouve. Les tirailleurs russes préfèrent se faire tuer plutôt que de reculer. La cavalerie de Poniatowski peine à avancer et à déborder les Russes. La quasi intégralité du 7e corps de Raïevski est envoyé dans la fournaise avant midi. Ses grenadiers se font décimer, mais les Français ne progressent pas. Bagration envoi toute son artillerie en réserve pour combattre celle de Napoléon, qui fait de plus en plus de dégâts aux flèches. Mais les pertes russes sont si lourdes que Koutousov est obligé de mobiliser des unités de son flanc droit pour son flanc gauche vers midi. La première flèche est prise définitivement par Napoléon, mais la deuxième résiste avec acharnement, à un contre trois. Les assauts français sont infructueux et dégénèrent en boucherie.

De son côté, Poniatowski réussit enfin à déboucher vers le village de Semenovskoï, dans les arrières de Bagration. 40 artilleurs résistent avec bravoure aux lanciers polonais, avant que les renforts russes arrivent. Vers midi, alors qu’il menant une nouvelle contre-attaque vers les flèches, Bagration est mortellement touché par un éclat d’obus. Il est évacuer, mais il mourra de ses blessures le 24 septembre. Avec la perte de l’énergique Bagration, le moral russe diminue. Les contre-attaques de Koutousov sont brisées par le feu français. Les flèches tombent. C’est à ce moment que la division Friant, sus les ordres de Davout, arrive pour prendre Semenovskoï. Ce n’est pas une partie de plaisir, il faut presque deux heures pour prendre le village, réduit en tas de ruine. Au centre, il ne se passe pas grand-chose à part la canonnade, et de timides attaques françaises repoussées. En revanche, Koutouzov décide de reprendre Borodino. Il ordonner au flanc gauche de créer une grande action. Or, l’infanterie russe n’arrive pas d’elle-même à prendre le village : des tas de cadavres s’amoncellent devant les maisons occupées par les Français, bien soutenus par l’artillerie. Koutousov décide donc de l’isoler, et engage sa cavalerie vers 11h. Plus de 3 000 dragons russes, cosaques ou hussards, attaque le village. C’est un carnage. Les Français ont amenés des canons derrières les maisons, tandis que les unités françaises à découvert se mettent en carré. Koutousov ne peut demander l’appui de son artillerie, au risque de commettre un friendly fire, et ne peut que constater le massacre. Non seulement Borodino n’a pas été enlevé, mais la cavalerie légère russe est mise hors de combat. Ses cosaques et ses hussards fuient, la cohésion est brisée. Pire, au sud les trois flèches sont tombées vers midi, et le village de Semenovskoï est attaqué de toute part.

S’il tombe à son tour, c’en est fini du flanc droit de Koutouzov ! Koutaïssov, qui commande l’artillerie russe, meurt au combat. Toutvkkov, qui remplace Bagration, est tué à son tour. La défense russe est donc pénalisé et moins efficace. Vers 15 heures, Napoléon envoi son centre contre la Grande Redoute. Etant donné qu’il contrôle au nord Borodino et au sud les flèches, il peut l’assaillir des trois côtés. 4 régiments français soutenus par Grouchy et sa cavalerie attaquent la redoute de front. C’est une boucherie. Des centaines de soldats meurent avant d’atteindre les Russes, tandis que les cuirassiers de Grouchy sont pris à partis par l’artillerie. Murat envoi sa propre cavalerie, mais celle-ci doit mener un dur combat avec les Chevaliers Gardes russes venus en renfort. Koutousov envoi alors ce qu’il peut pour ne pas perdre la Grande Redoute, son plus grand ouvrage défensif. Il se refuse à lancer des contre-offensives d’envergure, mais il parvient à conserver l’ouvrage défensif. Les combats sont acharnés come jamais, les Français n’arrivent pas à percer le centre russe malgré toutes les forces et l’énergie déployée. Koutousov n’ayant plus de cavalerie en réserve, il envoi sa dernière grande unité intacte : la Garde du Tsar. Sur le flanc gauche, le village de Semenovskoï tombe vers 15 heures, après une lutte intense. Moins de 2 000 soldats russes ont été faits prisonniers, la plupart des défenseurs ont perdu la vie. Les forces de Davout et Poniatowski sont épuisées, mais le flanc gauche ennemi s’écroule enfin. Les Russes n’ont plus assez de renforts pour reprendre le village, les régiments qui devaient le défendre ont été décimés. Les Français ont maintenant l’intégralité de la Grande Redoute sous leur feu.

Les soldats russes qui ne fuient pas se font tuer sur place par l’artillerie. Pour reprendre cet ouvrage, Koutousov ordonne à sa Garde de partir à l’assaut. Napoléon envoi de son côté sa cavalerie, y compris tous les lanciers polonais de Poniatowski pour faire tomber la Grande redoute avant l’arrivée des renforts russe. Les Russes se mettent en carré. Les cavaliers français tombent comme des mouches, le fossé devant la redoute est rempli de cadavres de chevaux ainsi que de leurs maîtres. Grouchy envoi alors ses cuirassiers, dirigé par Auguste de Caulaincourt, le frère du Grand Ecuyer de l’Empire. Il mène vigoureusement la charge, sabrant lui-même les tirailleurs russes. Il réussit à pénétrer la Grande Redoute, avant de mourir, tout comme nombre de ses hommes. Mais au terme de cette immense mêlée, l’ouvrage russe tombe enfin. Les Français n’ont pas le temps de profiter pleinement de cette victoire, car la Garde russe arrive, de façon compacte et déterminée. Il est alors 16 heures passé. Les Français sont épuisés et tiennent à peine la Grande Redoute. Si la Grade russe arrive vers la redoute, rien ne pourra l’en empêcher de la reprendre. De plus ses masses compactes ne peuvent être brisées par la cavalerie. Napoléon, refusant d’envoyer sa Garde impériale, demande alors à toute son artillerie de tirer sur les carrés. Il aurait même dit au général d’artillerie Sorbier, qui commande la batterie centrale, les mots suivant « Puisqu’ils en veulent, donnez leur en ! ». Près de 400 canons français hachent la Garde russe. Grâce à leur mobilité, ils ont pu suivre les progrès de l’infanterie et se positionner partout, tant à Borodino qu’au village de Semenovskoï.

Fin de la bataille

La Garde russe, stoïque, encaisse les coups et continue sa progression. Mais les pertes sont si lourdes que les unités refusent d’avancer davantage, avant de battre en retraite. Des régiments russes, parmi les meilleurs de Koutousov, ont été détruits pour rien. Les Français sont sidérés par leur courage. Le proverbe d’Eylau, « Il ne suffit pas de tuer un Russe, il faut encore le pousser pour qu’il tombe », vient encore de prouver qu’il est véridique. Vers 17 heures, Koutousov ordonne la retraite. Napoléon descend de la redoute de Chevardino pour constater par lui-même, comme à Eylau, l’ampleur du carnage. 

Au soir, Koutousov a encore une partie de son aile droite disponible. Il peut donc, s’il le veut, regrouper ses forces pour se constituer une réserve et continuer la bataille le lendemain. De fait il ne veut pas quitter le champ de bataille immédiatement, ce que remarque Napoléon. Il se prépare donc également à un nouveau jour de combat… qui n’aura pas lieu. Koutousov est un patriote convaincu, mais pas au point de confondre courage et témérité. Privé de la plupart de ses fortifications, en infériorité numérique et avec un flanc gauche en piteux état, il ne peut espérer mener un combat équitable. Est-ce que cela vaut vraiment le coup d’envoyer à la mort les survivants de Borodino ainsi que les derniers régiments de la Garde russe pour arracher in extremis une hypothétique victoire ? Non. Il estime, à juste titre, qu’il est plus sage d’abandonner la Moskova et de fuir pour gagner Moscou.  Koutousov quitte définitivement le champ de bataille à l’aube du 8 septembre. La bataille de la Moskova est terminée.

Enfin, la boucherie prend fin. Les Français sont encore une fois maîtres du champ de bataille, mais la gloire à un goût amère. Koutousov a été vaincu. Son armée est considérablement amoindrie par plus de 10 heures d’affrontement. Le bilan est vertigineux. 51 000 Russes ont été tués, blessés ou fait prisonniers, un bain de sang pour les forces de Koutousov. Mais la Grande Armée a perdu 24 000 hommes, dont 6 000 tués. Elle est affaiblie elle aussi, incapable de poursuivre les Russes, incapable d’obtenir la victoire décisive. Comme il  y a quatre ans, Napoléon caresse son objectif de battre à plat de couture les Russes pour conclure sa campagne, mais en vain. Finalement, à qui revient la gloire de la victoire et la honte de la défaite ?