Quelques semaines après le « parlement » du mois d’août 1344, un mouvement se produisit contre l’autorité royale, considéré comme un des épisodes les plus singuliers de l’histoire de France au Moyen Âge. Ce mouvement, bien que son originalité ait été exagérée, révèle les relations antérieures de Philippe le Bel avec le clergé, la noblesse et le commun.
Sommaire
Le mouvement de 1314
Voici comment Geoffroi de Paris raconte les origines du mouvement des « Alliés ». En 1344, les barons de France s’unirent d’un bout à l’autre du royaume : ceux de France, de Picardie, de Normandie, de Bourgogne, de Champagne, d’Anjou, de Poitou, de Bretagne, d’Auvergne, de Gascogne, etc. Ils résolurent de dire au roi qu’ils ne se laisseraient plus « tailler » sans résistance. Ils lui dirent qu’il avait violé le serment de son couronnement, puisqu’il avait introduit des impositions nouvelles. Ses prédécesseurs n’avaient pas eu besoin de tailler leurs sujets pour régner avec gloire. Lui, il avait « mangé sa gent » : centièmes, cinquantièmes, l’argent des Templiers, des Juifs, des Lombards, etc. Peut-être n’en avait-il plus rien, mais ses familiers avaient, eux, des palais dorés.
Le roi obtempéra, dit Geoffroi : la levée d’une imposition nouvelle, qui avait été ordonnée, fut suspendue. Des ligues s’étaient formées, en effet, dans plusieurs provinces. L’acte de la Ligue de Bourgogne, par exemple, daté de novembre 1314, est conclu entre un certain nombre de barons, « pour eux et pour les autres nobles du duché de Bourgogne », des abbés, des doyens et des prieurs, au nom du clergé, et le « commun » de onze villes, « pour toutes les villes, grandes et petites, du duché ».
Ils jurèrent de se défendre les uns les autres contre toutes les entreprises déraisonnables du roi. Ils convinrent de se réunir, au moins une fois par an, à Dijon, le lendemain de la Quasimodo, « pour ordonner ce qui sera du commun profit et regarder ce qui aura été fait, ce qui sera à faire ». Deux commissaires furent élus pour un an, le sire de Courcelles et le sire de Grancey, qu’un troisième commissaire, le sire d’Antigny, départagera, s’il y a lieu ; ils arbitreront souverainement tous les différends entre les ligueurs, notamment « soit de guerre ou de plaid, ou de meubles ou d’immeubles, ou pour quelque autre cause que ce soit ».
Confédérations entre ces ligues
La Ligue du duché de Bourgogne et celle des comtés d’Auxerre et de Tonnerre, déjà unies à la Ligue des « nobles et du commun de Champagne » (dont Joinville faisait partie), s’allièrent le 1er décembre avec « les nobles et le commun des pays de Vermandois, de Beauvaisis, d’Artois, de Pontieu et de la terre de Corbie ».
« Très excellent et très puissant prince, notre très cher et très redouté sire Philippe, » dit l’acte de confédération, « a fait et levé plusieurs tailles, subventions, exactions indues, changements de monnaies et plusieurs autres choses, dont les nobles et le commun du royaume ont été grevés et appauvris ; il ne semble pas que cela ait tourné à l’honneur ni au profit du roi et du royaume, ni au commun profit. Au sujet de ces griefs, nous avons plusieurs fois requis et supplié humblement et dévotement ledit notre seigneur le roi de ne pas agir ainsi. »
Il nous a été répondu que c’était le droit du roi, et que le roi était assez puissant pour contraindre et punir les rebelles. Depuis, le roi a effectivement montré, par menaces, qu’il voulait avoir de nous par force et non par droit, les choses susdites. La Ligue de Vermandois-Beauvaisis-Artois-Pontieu-Corbie s’engageait à secourir la Ligue de Bourgogne-Auxerre-Tonnerre-Champagne à propos de la subvention présentement demandée, et, à l’avenir, en cas de n’importe quelle « nouvelleté » de la part du roi ou de tout autre.
Un conseil de vingt-quatre chevaliers, douze pour chaque groupe de ligues, réglerait l’action commune. La convention était bilatérale, perpétuelle, et conclue sans préjudice des obéissances, loyautés et hommages qui étaient dus au roi de France. Chacune des ligues confédérées stipulait, non seulement pour elle, mais « pour ses adjoints et alliés ». La Ligue du Forez, qui s’associa à la Ligue de Bourgogne, fut, par conséquent, agrégée à la confédération.
La Champagne, la Bourgogne, l’Artois étaient pays d’apanage, mais les pays du domaine royal furent entraînés aussi. Il y eut certainement des ligues en Normandie, en Languedoc, comme en Picardie et en Vermandois. On ne sait pas, du reste, si, à l’exemple des associations du Nord et de l’Est, celles de l’Ouest et du Midi se confédérèrent entre elles.
Questions-Réponses
Le principal motif était la résistance à l’introduction d’impositions nouvelles par le roi, que les barons considéraient comme une violation du serment de son couronnement.
Les provinces impliquées comprenaient la Bourgogne, la Champagne, le Vermandois, le Beauvaisis, l’Artois, et d’autres régions comme la Normandie et le Languedoc.
Les commissaires élus avaient pour rôle d’arbitrer les différends entre les ligueurs et de veiller à la défense collective contre les entreprises déraisonnables du roi.