La bataille de Tarawa se passe pendant la seconde guerre mondiale, coté pacifique. C’est l’une des plus sanglante bataille pour le contrôle d’une île.
Quand l’Oncle Sam découvre la réalité de la guerre amphibie.
Introduction :
« Les balles ricochaient sur le tracteur comme des grêlons sur un toit en zinc. [….] Je canardais la plage dans le seul but de contrôler ces fils de p*** autant que possible. Je n‘ai toujours pas compris comment je n’ai pas pris une balle en pleine tête. […] Les balles tombaient dru, comme un rideau de pluie. Seule une douzaine de gars sur les 25 ont quittés le navire avec moi ». Ces mots sont ceux du Private (grade en dessous de caporal) Braid, soldat qui a participé à la première vague contre l’îlot de Betio le 20 novembre 1943.
C’est sa première expérience de guerre, et probablement sa plus douloureuse. La bataille de Tarawa, et plus particulièrement les combats sur Bétio, constitue une épreuve terrible pour les Marines, mais aussi plus généralement pour l’Amérique. La population de la première puissance mondiale apprend la dure réalité de la guerre amphibie, et découvre pour la première fois que les atolls du Pacifique, aussi beaux soient-il avec leurs plages de sable fin et leurs palmiers, peuvent vite se transformer en cimetières. Avant d’en arriver là, prenons un peu de recul.
Le lendemain de Pearl Harbor, Franklin D.Roosevelt a déclaré la guerre à l’Empire du Japon, le 8 décembre 1941. La Pacific Fleet est en infériorité numérique par rapport à la Nippon Kaigun, mais se bat bien. Après la bataille de la Mer de Corail, qui est tactiquement un match nul, la bataille de Midway du 4-7 juin 1942 se solde par une défaite majeure du Japon. La marine impériale y perd quatre précieux porte-avions lourds (Akagi, Kaga, les sister-ships Hiryū et Sōryū, tous ayant participés à Pearl Harbor) ainsi que 25% des pilotes et 40 % des techniciens spécialistes en opération aéronavales.
Toutefois, cet élite est encore nombreuse, et les pertes américaines du second semestre 1942 « compensent » Midway puisqu’il n’y a plus que deux portes avions disponibles dans le Pacifique quand débute l’année 1943, à savoir le Saratoga et l’Enterprise. La bataille de Guadalcanal, premier épisode important de la campagne des îles Salomon qui se déroule dans le Pacifique Sud, est cependant décisif. Durant ce long et difficile affrontement, l’armée japonaise renonce face à la détermination des Américains, après plus de six mois d’affrontement, et évacue l’île en février 1943.
Pour la première fois, l’armée et la marine ont toute deux échouées face à la ténacité ennemie. C’est un coup moral dur, d’autant que le Japon y laisse l’initiative stratégique. La campagne des îles Salomon, longue de 18 mois, est riche en rebondissements de part et d’autre (Savo Santa-Cruz, Mer de Bismarck ect…) mais est finalement fatale aux forces aéronavales japonaises, incapables de soutenir une guerre d’attrition face à l’US Navy, dont les effectifs augmentent en nombre et avec des bâtiments de plus en plus modernes.
Par exemple, le porte-avions Essex, le meilleur de la guerre et première unité d’une longue classe, est lancé le 31 juillet 1942 tandis que le cuirassé USS Iowa est lancé le 27 août 1942. Parallèlement à cette campagne, la priorité de Washington est de conquérir le Pacifique Centre, c’est-à-dire prendre les îles Gilbert, puis les îles Marshall afin de disposer de bases suffisamment proches du Japon pour l’attaquer. En résumé, prendre un par un les groupes d’atolls du Pacifique Centre constitue la méthode la plus simple et la plus rapide pour atteindre le Japon.
Les îles Marshall se composent de quatre gros atolls, tandis que les îles Gilbert en compte deux : Tarawa et Makin. Aujourd’hui, alors que Guadalcanal symbolise l’héroïsme et le courage des Marines et des soldats de l’US Army venu les aider, Tarawa, et surtout l’atoll de Bétio, est synonyme de boucherie, la première livrée par le corps des Marines. Une boucherie qui, à l’image du Vietnam, est médiatisée et choque l’opinion publique par sa violence et par l’ampleur des pertes, tout ca pour un simple îlot.
De quelle manière se sont déroulés les combats de la bataille de Tarawa, et pourquoi sont-ils révélateurs des conditions de combats de la Guerre du Pacifique ? Dans un premier temps, nous comment les Américains réussissent à débarquer à Tarawa. Dans un second temps, nous étudierons les combats pour la prise de Bétio, objectif d’une importance capitale. Enfin, nous analyserons les erreurs et les leçons réalisées par les deux protagonistes.
Bataille de Tarawa : les forces en présences.
Du 12 au 27 mai 1943, la conférence interalliée « Trident » se déroule à Washington entre la délégation américaine dirigée par Roosevelt et la délégation anglaise dirigée par Churchill. Durant celle-ci, des plans de guerres concernant la future campagne d’Italie, les bombardements stratégiques sur le Reich ainsi que des plans pour la reconquête du Pacifique y sont décidés.
Dans ces derniers, il apparaît clairement que la méthode de « saute-mouton » d’atoll en atoll constitue la meilleure option pour les Américains, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, il s’agit de ne pas provoquer une bataille aéronavale de type Midway, car les Américains n’ont, à ce moment précis, que trois porte-avions lourds disponibles (Essex compris) alors que le Japon en possède le double dont les deux grosses unités de la classe Shōkaku. Deuxièmement, le trajet du Pacifique Centre est le plus rapide, et les atolls sont éparpillées loin de leurs grandes bases maritimes.
En conséquence, les Japonais ne sont pas capables de déployer autant d’hommes et d’avions qu’ils peuvent le faire dans les Salomon. Ce qui nous amène à la dernière raison, à savoir l’économie des forces. Les Américains souhaitent dans la mesure du possible éviter un nouveau Guadalcanal, c’est-à-dire livrer un combat dans un environnement hostile, meurtrier, tactiquement difficile à mener, et devant affronter des forces japonaises nombreuses, celles-ci ayant mobilisés plus de 30 000 hommes au plus fort de la bataille.
Il est donc légitime de désigner les îles Gilbert et les îles Marshall comme le premier objectif vitale de la conquête du Pacifique, à mi-chemin entre Tokyo et Hawaii. Les Gilbert sont les premières à être attaquées. Ce sont les plus proches d’Hawaii et de Guadalcanal, car situées au sud-est des îles Marshall. L’amiral Nimitz lance alors l’opération Galvanic soit la conquête des îles Gilbert. La cible : les atolls de Makin et de Tarawa. Nous sommes en juillet 1943. Les deux atolls sont occupés par les Japonais depuis décembre 1941.
Les Japonais installent à Makin une station radio, mais ce n’est pas pour cela que les îles Gilbert sont une priorité pour l’Oncle Sam. Au centre de Tarawa se trouve l’îlot de Bétio. Il est long de cinq kilomètres, sa largeur varie de cent mètres pour sa partie la plus étroite à cinq cents mètres à sa partie la plus étendue. Sa forme allongée, semblable à celle d’un mousquet, permet la construction d’une piste d’aviation en dur, capable d’accueillir tout type d’avion. Or, disposer d’un porte-avion dit « insubmersible » est un atout non négligeable dans une guerre qui se joue sur l’océan le plus vaste du monde.
Depuis Bétio, les Japonais peuvent lancer des raides aériens sur tout le Pacifique Central, et bloquer toute progression américaine vers le Japon. L’atoll de Makin est défendu uniquement par 500 soldats, ce qui explique la faible résistance des Japonais par rapport à Tarawa. Cet atoll a d’ailleurs fait l’objet d’un raid américain en août 1942, sans conséquence notable. En revanche, la garnison de Tarawa est beaucoup plus forte. Celle-ci se concentre à Bétio, afin de protéger le terrain d’aviation. La présence de ce terrain, ainsi que la position géographique de Bétio, ont naturellement incités les Japonais à y installer leur QG. 5000 hommes (4 800 selon les sources) y sont retranchés, dont 2 000 travailleurs japonais et coréens, qui ont aidés les soldats à construire les abris antiaériens et les bunkers. Ces derniers sont variables, allant des bunkers en béton capables de résister aux obus à des bunkers enterrés ou semi-enterrés.
Des positions sont également construites en rondins de bois, faute de béton, ce qui leur procure un bon camouflage, en contrepartie d’une plus faible résistance à l’explosif. Bétio comprend une trentaine de canons tous types, allant du 37 mm aux lourdes pièces de marine 140 mm et de 127 mm (DCA) en passant par des canons de campagne de 70 mm. L’îlot comprend également quatre canons anglais Vickers de 203 mm, des pièces de marine débarquées pour défendre les côtes prise à Singapour l’an passé. Il y a également une dizaine de chars légers Ha-Go, mais qui ne servent à pas grand-chose vu leur faible blindage et leur armement dépassé, ainsi qu’une soixantaine de mitrailleurs légères et lourdes réparties dans les positions. Le terrain comporte des palmiers et est dégagé, il n’y a pas de relief, ce qui permet à la défense d’utiliser pleinement leurs mitrailleuses.
La garnison est composée de travailleurs et de soldats de l’armée de terre, comme à Makin d’ailleurs, mais uniquement à hauteur de 50% La moitié des effectifs est constitué de troupes d’infanterie de Marine. Ces hommes n’ont rien à voir avec les Marines. Contrairement à eux, ils ne sont pas lourdement équipés et ne forment pas un corps autonome. Ces unités servent uniquement à la reconnaissance des plages et au débarquement dans les zones peu défendues, ils ne sont pas en théorie mobilisé pour défendre une position. En revanche, ces hommes sont particulièrement bien entraînés au combat et triés sur le volet, ce qui explique en partie leur faible nombre.
L’esprit de corps et de sacrifice est bien présent, et le moral est excellent. L’îlot de Bétio accueille 1 497 soldats du 7e Sasebo (comprendre 7e unité d’infanterie de marine de la base maritime de Sasebo, Japon) ainsi que les 1 122 hommes de la 6e Yokosuka (venant de la base maritime de Yokosuka, Japon). Il n’y avait au début du conflit que quatre de ces unités d’élite, et le fait que Bétio en compte deux souligne son importance stratégique aux yeux des Japonais. Bien pourvus en artillerie et convenablement retranchés, ces hommes vont mener la vie dure aux Marines. En résumé, la garnison de Bétio est surdimensionnée, puisque ce sont 5 000 hommes bien préparés, dont plus de 2 600 soldats d’élite spécialisés dans les opérations amphibies, qui attendent les Américains soit 1000 hommes pour un kilomètre défendu. Enfin, ils sont commandés depuis juillet 1943 par le contre-amiral Keiji Shibasaki. C’est un homme courageux, vétéran de la campagne de Chine de 1937 où il a débarqué à plusieurs reprises sur des plages, ce qui lui confère une solide expérience en la matière.
En face, les Américains mobilisent pour l’opération Galvanic la Ve flotte, dirigée par le contre-amiral Ray Spruance (alias le vainqueur de Midway) qui comprend 11 porte-avions lourds et légers (admis pour la plupart à la ligne de bataille dans les mois précédent l’opération), cuirassés et destroyers, dont la mission est la conquête des îles Gilbert. Mais il s’agit d’une zone assez vaste, ce qui oblige l’US Navy à éparpiller ses moyens pour conquérir l’ensemble de l’atoll, sans compter les raides annexes sur les îles Marshall afin de distraire les Japonais.
Les troupes devant conquérir les atolls sont celle du Ve corps amphibie, lesquelles comprennent la 27e division d’infanterie de l’US Army et la 2e division de Marines, surnommée « The Silent Second ». Celle-ci est lourdement équipée en armes individuelles et collectives (mortiers, mitrailleuses, avec des obusiers de 75 et de 105mm). Ayant connu son baptême du feu à Guadalcanal, elle possède de nombreux vétérans, aguerris eux aussi dans les opérations amphibies. La 27e divisons d’infanterie est novice en termes d’opération amphibie, c’est pourquoi elle est dirigée vers Makin, où la garnison japonaise est moins importante.
Ce sont donc 20 000 Marines et hommes d’équipage de la flotte qui se dirigent vers Bétio, plus 15 000 hommes de la 27e division qui vont vers Makin. Les Américains ont la supériorité navale et aérienne, qui peut leur fournir des appuis-feu tout à fait appréciables. C’est donc une véritable armada de guerre, que l’on juge suffisante pour prendre Bétio. Le rapport de force à Bétio est donc de 4 contre 1 en faveur des Américains.
Conscient que la perte de Bétio signifie la perte des îles Gilbert, Keiji Shibasaki utilise sont expérience pour concevoir des positions camouflées et aménagées pour contrer un débarquement. Il entraîne et motive ses troupes, de sorte qu’elles constituent un groupe homogène, sachant parfaitement quelle stratégie de défense il faut jouer. Satisfait de ses troupes et des travaux réalisés, il aurait dit qu’une attaque ennemi « ne viendrait pas à bout des défenses en moins de cent jours ». Pari tenu…
Partie I : 20-21 novembre : à l’assaut de Tarawa, lets go to the beach !
L’armada approche durant la nuit du 20 novembre. A partir de 3 heures, 48 LVT (Landing Vehicle Tracked, soit les barges de débarquement) se préparent à l’assaut. Ils emmènent chacun une vingtaine de Marines, soit environ 960 soldats. Sachant que l’îlot est bien défendu, les navires américains commencent à ouvrir le feu sur les positions connues. Les Japonais tentent de riposter avec les canons Vickers de 203 mm, mais, incapable de changer de position, ils sont rapidement détruits ou réduit au silence. Les navires américains se donnent à cœur joie : aux 406 mm des cuirassés USS Maryland et Colorado se joignent les 203mm des croiseurs lourds et les 127 mm des destroyers. Entre 5 heures et 7 heures environ, l’artillerie navale envoie bordée sur bordée, puis c’est autour de l’aviation.
A 7h35, un dépôt de munition explose, causant une énorme explosion. La fumée des munitions brûlées et des arbres calcinés crée une vision de l’enfer, les 1,5 km carrés de Bétio sont labourés par les obus. Les Marines estiment alors que le bombardement a été efficace, et que la résistance ne va être que sporadique. Pourtant, à la suite d’une confusion, la première vague est lancée uniquement vers 9 heures, sans aucun appui-feu afin d’éviter des tires fratricides. Un cadeau donné pour la défense. Et puis, la fumée enveloppant Bétio ne peut signifier qu’une chose : les obus ont fait leur boulot et ont dû tuer un maximum de soldats. Les américains débarquent en trois points différents de l’îlot, tous situés au nord-ouest de Bétio. Et là les choses sérieuses commencent.
Le feu japonais est d’abord imprécis à cause de la fumée, mais augmente rapidement en efficacité. Les barges sont ciblées par les mitrailleuses lourdes, et des nombreux pilotes sont tués loin de l’objectif. Les hommes sont fauchés lors du débarquement, parfois directement devant leur barge. La plage devient un champ de foire, un peu comme à Omaha Beach dans le (très bon) film Il faut sauver le soldat Ryan. Quasiment tout est dans le champ de tir des japonais. Toute progression est impossible, les obusiers sont utilisés en tir courbe afin de permettre aux obus de retomber sur les plages, tandis que les canons de DCA de 127 mm sont utilisés en tir tendu pour lacérer de shrapnels les hommes dans les barges de débarquement, trop peu blindées.
Les renforts sont envoyés rapidement mais la situation ne fait que s’aggraver. En effet, les barges disponibles ne sont plus des LVT, elles sont plus lourdes et moins manœuvrables et s’échouent presque toutes sur les récifs. Les Marines doivent franchir une bonne centaine de mètres avec l’eau jusqu’à la cuisse pour aller vers la plage, voire plus vu que de nombreuses barges sont endommagés et coulent. Les Marines s’agglutinent sur la plage, les artilleurs japonais visent désormais dans le tas. On envoi alors les chars Sherman du 2e tank Batalion vers 9h30, mais la plupart sont victimes des obus ou finissent échoués dans le lagon. Les canons japonais de marine entrent en action. Chaque obus de 140mm fait trembler la terre, creusant des trous dans lesquels les Marines s’abritent.
L’artillerie navale américaine et l’aviation désorganise cependant les communications japonaises tout en détruisant les batteries d’artilleries qui viennent d’être repérées. Les bombardiers en piqués Dauntless neutralisent les positions défensives vers la plage, bien qu’assez tardivement. Vers 15 heures, les marines avancent à l’intérieur des terres, avant d’être stoppées par des nouveaux feux croisés. Les pertes sont terribles, de nombreux officiers manquent à l’appel, les unités sont épuisées et ont perdus une grande partie de leur cohésion. La plage est devenue en quelques heures une vaste fosse commune, les vagues ramenant au rivage des dizaines de cadavres, ceux des Marines morts avant d’arriver sur l’îlot. La tête de pont ne dépasse pas les deux cents mètres, et toute contre-attaque japonaise pourrait rejeter les Marines à la mer, mais elle n’arrivera pas.
Les Japonais ont assez soufferts du bombardement d’artillerie navale, les communications sont coupées et des canons ont été détruits. Surtout, la plupart des officiers supérieurs, dont Shibasaki lui-même, ont été tués dans leur bunker par l’artillerie navale. Cela pénalise la coordination de la défense, car désormais les officiers survivants n’ont momentanément plus qu’une vision partielle de la bataille, celle qui se déroule dans leur secteur.
Globalement la première journée est un match nul : les Américains ont réussit à débarquer, mais leur position reste fragile et les unités épuisées. Compte tenu de leur supériorité numérique, les pertes sont certes plus lourdes que prévues, mais pas au point de remettre en cause l’opération. La journée du 21 novembre est consacrée à la consolidation des têtes des ponts, ainsi qu’à rejoindre le rivage sud de Bétio pour couper la garnison en deux. C’est chose faite en fin d’après midi, en prix de lourdes pertes car là encore des positions non découvertes ouvrent le feu sur les Américains. Les renforts affluent sur Bétio, bien que soumit encore au feu de certaines mitrailleuses japonaises.
Des mortiers et des obusiers de 75 mm sont débarqués, ils vont s’avérer utiles dans les jours à venir. Un débarquement est réalisé à l’ouest de Bétio, et, efficacement appuyés par l’artillerie navale, les Marines prennent véritablement pied sur l’îlot. En revanche, le terrain d’aviation ne peut pas être encore pris, et tout homme qui s’y aventure est la cible des snipers ou des obus japonais. Les unités de la première vague sont relevées, il était temps. La coordination des Japonais est globalement mauvaise, aucune contre-attaque en lancée alors que pendant près de 24 heures les Marines étaient épuisés et presque sans moyen lourds.
La garnison a perdu la moitié du terrain d’aviation, et toute batterie d’artillerie qui ouvre le feu de façon prolongée reçoit un déluge de feu venant de la mer. Au soir du 21 novembre, presque un tiers de Bétio est américaine, les Marines ne peuvent plus être rejetées dans le Pacifique, même si les plages de débarquement peuvent toujours être visées. Les Japonais n’ont alors que deux choix possibles: la reddition ou le combat à mort. La première option est inenvisageable, cela serait faire un affront à l’Empereur et à la volonté du défunt commandant Shibasaki. La garnison résistera jusqu’au bout. Bienvenu à Bloody Tarawa.
Partie II : Mourir à Bétio, les combats acharnés du 22-23 novembre.
Si au soir du 21 novembre le colonel Shoup, dirigeant les forces débarquées, a écrit dans son rapport à destination de l’état-major les mots « nous gagnons », la partie est loin d’être terminée. La nuit a été calme, les Marines ont pu se reposer et faire débarquer des chars et pièce d’artillerie. Le plan est simple, regrouper les forces débarquées puis mener l’assaut et atteindre la pointe est de l’îlot, tout en neutralisant les lignes de défenses japonaises. L’assaut début à 8 heures, après un barrage d’artillerie terrible. Le front ne dépasse pas les cent mètres par endroit, et les Marines sont si nombreux qu’ils doivent progresser en colonnes. Les chars peinent à avancer, quand ils ne sont pas touchés par un obus ou une mine.
Heureusement, le barrage d’artillerie est si efficace que la résistance est faible, trop même. Les Américains progressent de 1 000 mètres en deux heures, bien plus que durant les deux premiers jours. En fait, les Japonais ont préférer se retirer plus vers l’Est afin de consolider leurs positions, et de regrouper leurs forces restantes afin d’être des plus efficaces en défenses. C’est judicieux, puisque les Américains tombent devant trois bunkers semi enterrés, et sur une ligne de défense parfaitement camouflée. Dans les trous individuels, les Japonais ouvrent le feu dernier moment, et le carnage de la vielle reprend. Impossible de percer les bunkers au canon de 37mm, trop faible, et impossible de faire appel aux chars, systématiquement visés et par l’un des trois bunkers. L’aviation n’intervient plus depuis un bon moment, afin d’éviter des largages de bombes fratricides. Les Américains tirent au mortier, et un coup chanceux fait exploser une réserve de munition.
La fumée envahis les positions japonaises, désormais désorganisées. L’assaut est mené par le lieutenant Alexander Bonnyman, qui y meurt. Il recevra une Medal of Honor à titre posthume, un des quatre décernées lors de la bataille. Les Marines en profitent et progressent vers l’Est. Une autre position est détruite de la même façon, décidément la chance est du côté de l’Oncle Sam. Parallèlement dans l’après-midi, les Marines s’emparent de la quasi- totalité de l’aérodrome. Au soir l’îlot est américain aux deux-tiers. Si les pertes sont toujours lourdes, les Marines reprennent confiance et agressivité. Le nettoyage n’est pas une tâche aisée, mais l’artillerie et les moyens lourds (obusiers et mortiers) qui débarquent facilitent la progression.
La victoire n’est qu’une question de temps. En face, la situation des Japonais est de plus en plus critique. La majorité des pièces d’artillerie ont été détruites, les mitrailleuses commencent à manquer de munitions. L’infanterie de marine a perdu plus de la moitié de ses effectifs. Les travailleurs sont mobilisés et prennent les armes pour combattre les Marines, même si ils n’ont pas d’expérience au combat. Les soldats ne manquent pas de courage, mais sans espoir de renfort la situation devient désespérée. Bétio est devenu une terre désolée, fumante et constellée de trous d’obus, où les rares arbres encore debout brûlent à cause des explosions. Pour caricaturer, c’est comme à Verdun sauf qu’il y fait 30 degrés et qu’il y a du sable et des palmiers. Les snipers japonais sont encore présents, et tout mouvement suspect déclenche chez les Marines, assez nerveux, un déluge de balles.
Dans la nuit du 22 novembre vers 19h30 heures, une attaque « Banzaï » est lancée. Les Japonais chargent à la baïonnette les lignes américaines. Elle ne regroupe qu’une cinquantaine d’hommes, et est facilement repoussée. Il n’y a presque aucun survirant. Alertés par cette attaque, les Marines décident de rapprocher les mortiers du front ainsi que des chars pour renforcer la première ligne. Ils ont eu raison. Vers 23 heures, une nouvelle offensive est lancée, mais elle est repoussée par les tirs de mortiers et les mitrailleuses. Vers 3 heures, une charge « Banzaï » est organisée. Elle regroupe cette fois-ci plusieurs centaines d’hommes, et réussit à percer la première ligne américaine.
Les combats au-corps-à-corps sont violents, on se bat à l’arme blanche et à la grenade. Les Marines, malgré leur état d’alerte, sont surpris par l’ampleur de la charge et reculent. Il faut l’intervention de la marine, notamment les canons de 127 mm de deux destroyers, pour enrayer l’attaque et éviter une retraite. Malgré les risques évidents de friendly fire, l’artillerie navale, carte maîtresse des Américains, noie dans le sang l’attaque japonaise, et force les survivants à se replier vers l’est. A l’aube, lorsque les Américains reprennent la progression, ils découvrent 200 cadavres japonais devant leurs lignes, 125 autres plus en arrière. La nuit a été terrible pour les deux camps, puisque plus de 175 Marines ont été tués ou blessés. La progression américaine du 23 novembre est moins difficile que celle du 22.
La défense japonaise n’est plus du tout coordonnée, elle manque cruellement d’hommes et le moral est devenu très bas. On ne compte plus les cadavres de soldats japonais qui se sont suicidés dans leurs positions de tir, le plus souvent une balle de fusil dans la tête.(*Pendant ce temps, l’atoll de Makin, second objectif de l’opération Galvanic, a été sécurisé par la 27e division au prix de pertes légères (250 morts ou blessés) si on excepte un porte-avions d’escorte torpillé par un sous-marin japonais.*) Le 23 novembre, la progression repend donc sur Bloody Trawa, aidée par des tirs d’artillerie venant de la mer et de la terre. L’assaut final commence vers 7 heures, les Marines ont reçut des troupes fraiches et davantage de munitions. La résistance est encore une fois farouche, les Japonais combattent jusqu’à la mort. Chaque bunker doit être passé à l’explosif puis au lance-flamme pour être neutralisé. Les Japonais défendent chaque mètre carré de Bétio, n’hésitant pas à attendre dans des trous d’obus le moment propice pour faire feu.
Les Marines ont cependant des Sherman qui les accompagnent, et comme les Japonais n’ont plus de moyens lourds, les chars peuvent tirer directement sur les objectifs. De fait la progression est moins difficile que celle du 22 novembre, et à 13 heures, les derniers 1200 mètres de Bétio sont conquis. Le colonel Shoup envoi dix minutes plus tard un message à l’état-major : « Bétio est tombé ». Les Américains ne trouvent quasiment plus que des cadavres japonais, morts au combat ou suicidés. Ils restent bien des snipers qui infligeront quelques nouvelles pertes aux Marines par la suite, mais l’essentiel a été fait. Bétio pris, il n’y a plus de résistance à Tarawa.
Le 28 novembre 1943, les îles Gilbert sont conquises dans leur intégralité, l’opération Galvanic a réussit. Bétio ne sert pas longtemps aux Américains, puisque les îles Marshall, plus porches du Japon, sont rapidement conquises par la suit. Et comme on doit se souvenir qu’on a conquis l’atoll de Tarawa en entier, Bétio ne rentre pas dans l’histoire. L’affrontement s’appellera désormais « bataille de Tarawa ». Reste à payer l’addition de la victoire.
Partie III : analyses tactiques et stratégiques de l’affrontement de la bataille de Tarawa
Tarawa est donc la première grande expérience amphibie dans le Pacifique. Les combats livrés dans la jungle de Guadalcanal ont donnée une expérience de guerre tropicale aux Marines, mais cela n’a rien à voir avec Tarawa. Déjà Guadalcanal a une superficie de 5 300 km2, contre moins de deux km2 pour Bétio .Ensuite, Guadalcanal cumule des difficultés qui lui sont propres : du relief, une jungle parfois si dense que l’appui aérien est impossible, des maladies tropicales comme la dengue qui affaiblissent les soldats, des soldats japonais nombreux et qui peuvent compter sur une marine qui dispute jusqu’au bout la maîtrise maritime. A Tarawa, ou plutôt sur Bétio, aucun secteur de l’îlot n’est à l’abri de l’artillerie japonaise, les Marines doivent débarquer sous un feu d’enfer, et l’appui de l’artillerie devient compliqué dés lors que les lignes américaines touchent les lignes japonaises.
Le bilan de la prise de Bétio est lourd, trop lourd même. L’intégralité de la garnison a été détruite, tout comme son matériel lourd. Sur environ 5 000 hommes, il ne reste que 129 travailleurs coréens et 17 soldats japonais faits prisonniers, pour la majorité d’entre eux blessés et en état de choc. Des forces d’élites d’infanterie de marine du 7e Sasebo et du6e Yokosuka, il n’en reste pas grand chose. Seul un officier de ces deux formations a été fait prisonnier (et donc a survécu), il commandait une section antiaérienne du 7e Sasebo. Ses camarades sont tous morts. Pour les Marines, l’addition est également salée: 3 300 hommes sont hors de combat. Plus de 900 soldats ont été tués, dont 170 officiers. 36 chars du 2e tank Batalion ont été endommagés ou détruits. La prise Bétio a causé une véritable hécatombe. Lorsque les journaux annoncent les pertes, l’opinion publique est choquée. Elle ne comprend pas comment 900 citoyens américains ont donnés leur vie pour moins de deux kilomètres carrés de sable et de rochers, dans un îlot perdu du Pacifique Sud. Les images prises à Bétio en noir et blanc données à la presse sont trop « trash » : épaves fumantes de barges, cadavres de Marines flottants dans l’eau claire et turquoise… De quoi causer des cauchemars aux ménages américains. Un film de guerre en technicolor, le premier de ce genre dans la Guerre du Pacifique, a été tourné sur Tarawa, il se nomme « With the Marines at Tarawa ».
Le film n’est pas censuré par l’armée et lorsqu’il sort début 1944, les civils voient tout et en couleur: les cadavres japonais et américains, les explosions, ect…Ce qui rappelle à la population la tragique aventure de Bloody Tarawa. Les Marines ont indéniablement la victoire tactique et stratégique, mais le prix à payé est vraiment élevé. Pourquoi ce massacre de quatre jours, alors que les Américains pensaient en finir en une journée ?
En fait, les Marines, qui sont les forces d’élite américaines en matière d’opération amphibies (donc pas des soldats quelconques de l’US Army) se sont bien comportés. Leur courage et leur professionnalisme leur ont permis de se sortir de plusieurs situations difficiles. Ils sont coordonnés, capables de modifier rapidement et intelligemment leurs lignes de défenses, comme lors de la nuit du 22 novembre pour contrer les attaques « Banzaï ». De même, ils ont rapidement compris l’apport des chars comme plate forme mobile d’artillerie et l’usage des lance-flammes, des précieux outils pour neutraliser des bunkers. Cela explique pourquoi la progression du 23 novembre, dans laquelle les chars peuvent être convenablement utilisés, ne coûte aux Marines qu’une trentaine de tués ou blessés. A titre de comparaison, un bataillon de la deuxième vague de Marines a perdu à lui seul lors du débarquement 110 soldats en a peine une heure. Les progrès en matière de coopération interarmes ont donc bien aidés les Marines dans leur progression. Les communications sont efficaces, et la présence d’obusiers de 75 mm ou de mortiers est forte utile pour appuyer la progression. Des enseignements doivent cependant être retenus de cet affrontement.
Premièrement, il ne faut engager que des LVT, seuls barges de débarquement capables d’aller jusqu’aux plages. Il faut également mieux les blinder afin d’éviter qu’elles ne se transforment en cercueil flottant, ce qui sera réalisé sur les versions suivantes. Pour info, sur un total de 125 LVT mobilisés le 20 novembre, 90 sont mis hors d’usage, soit 72% de pertes. Deuxièmement, les barrages d’artillerie navale ont eu des avantages indéniables : outre le fait d’avoir rapidement détruit les canons de 203 mm, ils détruisent des positions d’artillerie et vise toute regroupement des forces ennemies.
En journée, les Japonais sont forcés de rester sur les positions, tout projet de contre-attaque déclenchant automatiquement un déluge d’obus. Sans l’appui naval, il est clair que la conquête de Biéto aurait coûté beaucoup plus de vies. En revanche, le premier bombardement naval n’a pas eu l’effet escompté. On manque de renseignement sur les défenses japonaises, et on ne découvre d’ailleurs des positions d’artillerie que lorsqu’elles ouvrent le feu. De fait, un grand nombre d’obus tombent dans le vide, et de fait le barrage n’entame pas assez les défenses malgré la puissance des obus de 406 mm des cuirassés (ca sera limite un défaut constant dans les opérations amphibies). Des contre-ordres ont créés la confusion le 20 novembre, ralentissant l’avance de la première vague et permettant aux Japonais de reprendre leurs positions. La coordination américaine, due à une chaine de commandement efficace, permet d’acheminer des renforts rapidement mais c’est une enfaite une fausse bonne idée.
Les hommes s’accumulent sur la plage, multipliant les cibles pour les soldats et les artilleurs de la garnison. Des leçons sont donc tirées de Tarawa : renforcer les bombardements préliminaires avec l’aviation, une coordination plus efficace pour éviter la confusion et avoir du retard dans les plans, faire intervenir en masse les chars uniquement lorsque la plage est accessible pour éviter des pertes inutiles. On valide également les lance-flammes et tout explosif pouvant détruire les Bunkers, tout comme l’artillerie rapprochée. On met la priorité sur les LVT en les améliorant pour qu’elles puissent amener les hommes au plus près des plages sans dommages.
En face, les Japonais partent avec plusieurs handicapes. Ils n’ont pas la maitrise maritime et aérienne, et n’ont rien pour la disputer contrairement à Guadalcanal. L’infériorité numérique et matérielle est accrue et ne peut être compensée par la présence de l’infanterie de marine, surtout que Tarawa est isolé. Truck, la base opérationnelle la plus proche, se situe à des milliers de kilomètres et il n’est pas question pour Tokyo de risquer d’envoyer ses grosses unités pour sauver un îlot, surtout que les sous-marins américains sont de plus en plus nombreux sous la surface. Néanmoins, la ténacité des Japonais n’est plus à démontrer. Malgré leur faible nombre de pièces d’artillerie par rapport aux Américains, les Japonais les utilisent bien.
Les sites sont camouflés et parfois ouvrent le feu au dernier moment lorsque les soldats sont sur la plage. Les bunkers en rondins de bois sont bien pensés et offrent de solides position de tir, et les lignes de défense sont bien bâties. Ces bons retranchements, associés à une volonté de combattre jusqu’à la mort, expliquent en partie les quatre jours nécessaires à la conquête de l’îlot. Le terrain n’ayant pas de relief, les Japonais peuvent continuer à canarder la plage et ses alentours même après l’avoir perdu. En revanche, la coordination de la garnison est mauvaise, et ce dés le premier jour : les lignes de communications sont pour plupart coupées lors des bombardements, et la mort du commandant Shibasaki aggrave encore plus le manque de cohésion, bien que la stratégie à adopter est au final relativement simple : ralentir au maximum l’ennemi en lui infligeant des pertes. Face à l’artillerie navale, les Japonais ne peuvent pas grand choses et doivent constamment s’abriter de jour, rendant inopérant toute contre-attaque diurne.
Les pertes subies deviennent vite plus insupportables pour les Japonais que pour les Américains, les effectifs des unités d’infanterie de marine fondent comme neige au soleil, ce qui rend la situation d’autant plus désespérante. Enfin, les attaques « Banzaï » sont mal pensées. Il ne s’agit pas ici de débattre sur les principes de ces méthodes offensives mais de leur utilisation. Il aurait été plus judicieux de les réaliser dés la première nuit, lorsque les positions des Marines n’étaient pas consolidées. Une contre-attaque déterminée lancée le soir du 20 novembre, et avec un feu d’artillerie disponible encore efficace, avait de bonnes chances de rejeter les Marines à la mer, et donc de semer le doute dans l’état-major américain.
A partir du 21 novembre, les Japonais ont perdus la bataille, car les Américains sont devenus trop nombreux sur l’île et bien équipés en armes lourdes. Les charges «Banzaï » de la nuit du 22 ne servent à rien, sinon à saigner davantage les maigres forces de la garnison. Surtout qu’en plus les Japonais en lancent trois dans la même nuit et au même endroit, ce qui ne peut que renforcer l’état d’alerte des Marines. Il aurait à la limite mieux fallut regrouper les trois charges en une seule, afin d’avoir un effet de surprise intact. Même si la charge n’aurait rien changée tactiquement, elle aurait pu infliger davantage de perte à l’ennemi, et pourquoi pas le faire reculer vers l’Ouest. Pour Tokyo, la garnison s’est bien battue et à fait son devoir, point final. Mais certains généraux japonais tentent de tirer eux aussi les leçons de cet affrontement. C’est le cas du lieutenant-général Inoue, commandant de la garnison de Peleliu, et surtout du général Kuribayashi à Iwo Jima. Tous deux se sont rendu compte que les moyens aéronavals des Américains étaient tellement forts, notamment en termes de puissance d’artillerie, que défendre la plage devient une perte de temps et d’homme.
C’est un milieu trop exposé, et obliger une garnison à tenir une plage était du suicide face à l’aviation et l’artillerie navale. Il fallait désormais regrouper l’artillerie en grosses batteries à l’intérieur des terres et l’enterrer pour la protéger du bombardement. Kuribayashi en arrive également à la conclusion qu’il vaut mieux construire une ou deux lignes de défenses à l’intérieur de l’île, mais bien solides et coordonnées, plutôt que d’éparpiller la construction de positions, même si ici la superficie de Bétio était petite et donc ne laissait pas vraiment d’autre alternative.
Bataille de Tarawa, en conclusion
En conclusion, nous avons vu que malgré une armada impressionnante forte de plusieurs dizaines de milliers d’hommes et de nombreux navires de guerre, il aura fallut quatre long jours à l’Oncle Sam pour réaliser ce qu’il estimait possible en peu de temps: prendre Bétio. Le bilan humain est révélateur de l’intensité des combats, surtout pour 2 km2 de terres émergées. Tarawa est l’affrontement plus meurtrier pour le corps des Marines de l’année 1943, si on excepte Guadalcanal. Ce sont également les combats les plus difficiles livrés jusqu’à présent, avant que ne vienne la boucherie d’Iwo Jima en février-mars 1945. Cette bataille, « la plus sauvage et la plus meurtrière dans toute l’histoire du Corps des Marines» selon les mots du général Holland McTyeire Smith, commandant en chef des Marines durant la guerre, surpasse dans tous les points Tarawa.
Le général Kuribayashi y applique toutes les leçons qu’il a tirés de Tarawa, laissant les Américains débarquer sur les plages pour mieux les piéger et les viser avec toute la puissance de son artillerie enterrée. Le résultat sera un carnage sans précédent dans la Guerre du Pacifique, pire qu’à Peleliu ou à Okinawa, et dont l’importance fut décuplée grâce à une médiatisation massive (le fameux drapeau US sur le mont Suribachi). Les Américains, tout comme les Japonais, ont appris dans la douleur la véritable nature de la Guerre du Pacifique, largement différente des batailles aéronavales menées « au-delà de l’horizon ». Ils ont également dû comprendre les avantages et les défauts tactiques que comporte ce type de combat, et les assimiler pour atteindre l’objectif en un minimum de pertes, et ne pas prendre en compte uniquement la puissance de feu ou les délais imposés par l’état-major. Les leçons de ces combats sanglants ont été retenues, et la réussite du débarquement des Marines sur les îles Marshall début 1944 (prochain objectif dans le Pacifique) souligne en ce sens les progrès tactiques et techniques réalisés en matière d’assaut amphibie.
Les Marines tombés à Bétio n’auront donc pas été vains. Mais qui donc a pu bien dire que le terme « paradis » rimait avec sable, coquillages et palmiers ?