Le texte aborde la période de la minorité de Louis IX, en mettant en lumière le gouvernement de Blanche de Castille et les défis politiques auxquels elle a été confrontée. Il décrit les luttes de pouvoir entre les seigneurs, les alliances, les trahisons et les conflits qui ont marqué cette époque, ainsi que les stratégies employées par Blanche pour maintenir son autorité.
Sommaire
- Le gouvernement de Blanche de Castille
- Les premières coalitions
- Le traité de Paris (avril 1229)
- Les événements politiques
- Les campagnes de 1230
Le gouvernement de Blanche de Castille
Le désarroi des grands seigneurs irrésolus, divisés, sans programme, valut à la reine et au cardinal, sans effusion de sang, le gain décisif des premières rencontres. Le couronnement de Louis IX eut lieu à Reims, le 29 novembre 1226, selon le cérémonial ordinaire.
Puis Blanche, accompagnée du légat, de Philippe Hurepel, du comte de Dreux et d’une armée, marcha droit au sud-ouest, où les Bretons, les Poitevins et les Anglo-Gascons remuaient. Elle s’arrêta à Loudun; les mécontents campaient à Thouars.
Là, au commencement de mars 1227, le comte de Bar et le comte de Champagne (qui s’était laissé entraîner, dans un moment de mauvaise humeur contre la reine) abandonnèrent les coalisés. Quinze jours après, Pierre Mauclerc et le comte de la Marche firent, eux-mêmes, leur soumission; ils obtinrent par les traités de Vendôme des terres et des revenus considérables, mais ils s’engagèrent à servir le roi envers et contre tous; des mariages furent arrangés entre leurs enfants et ceux de Blanche.
Les Anglo-Gascons, étonnés de rester seuls, acceptèrent une trêve. Les traités de Vendôme n’avaient aussi que la valeur d’une trêve. L’effervescence ne tomba pas. Un jour, le petit Louis IX étant à Châtres (Arpajon), près de Montlhéry, fut menacé par un parti de barons rebelles dont le quartier général était à Corbeil et qui avaient formé le projet de s’emparer de sa personne. Les milices de Paris et de l’Ile-de-France, si dévouées à la famille royale, l’allèrent délivrer.
Et le roi n’oublia jamais cette scène : « Il me conta, dit Joinville, que, depuis Montlhéry, le chemin était tout plein de gens en armes et sans armes jusqu’à Paris, et que tous criaient à Notre Seigneur qu’il lui donnât bonne vie et longue, et le défendit et gardât ».
Les premières coalitions
Cette fois, Philippe Hurepel paraît comme chef des conjurés. Depuis que Renaut de Dammartin, son beau-père, dont il avait usurpé l’héritage, était mort en prison, la reine avait perdu un puissant moyen d’intimidation sur ce personnage, et on l’avait aisément décidé à se mettre en avant.
Il y eut, en 1228, des assemblées de la noblesse, préparatoires d’un soulèvement; le comte de Bretagne et le sire de Couci – Enguerran III, pour qui fut bâti le château dont les ruines se voient à Couci, – en étaient. Mais tout se réduisit à des feux de paille, aussi vite éteints qu’allumés.
En plein hiver (janvier 1229), la reine et le jeune roi, à la tête d’une armée où figurait le contingent des Champenois, s’emparèrent du château fort de Bellème, au Perche. Le sire de la Haie-Painel, près d’Avranches, qui s’était armé au nom du roi d’Angleterre, « duc de Normandie », fut aisément mis à la raison par le bailli de Gisors. Les autres ne bougèrent pas.
Le traité de Paris (avril 1229)
Blanche avait pris, du reste, ses précautions contre le comte Hurepel et ses alliés de Picardie : elle s’était fait prêter un serment spécial de fidélité par les magistrats municipaux des villes situées entre la Seine et la frontière de Flandre, voisines de ces rebelles. Rouen, Beauvais, Mantes, Pontoise, Amiens, Compiègne, Laon, Montdidier, Noyon, Saint-Quentin, toutes les villes de la Somme, s’étaient engagées à défendre de tout leur pouvoir, madame Blanche et ses enfants.
En même temps, un danger très redoutable se dissipait au midi. Le légat, revenu de Rome au printemps 1228, avec les pleins pouvoirs du Saint-Siège, avait donné une impulsion vigoureuse à la guerre qui traînait en Languedoc contre Raimond VII, depuis la mort de Louis VIII, sans épisodes notables : le Toulousain fut ravagé, la place forte de Brusque fut prise.
Faligué, découragé, Raimond VII se résigna à la paix : sous la médiation du comte de Champagne, il entra en pourparlers, à Meaux, avec le cardinal et les gens du roi. À Paris, quelques jours après, le jeudi saint de l’année 1229, le défenseur de l’indépendance languedocienne fit publiquement amende honorable, au parvis de Notre-Dame, entre les mains de Romain Frangipani.
Le traité de Paris, d’avril 1229, abandonna au roi les pays qui formèrent les sénéchaussées royales de Beaucaire et de Carcassonne; Jeanne, fille unique du comte de Toulouse, était promise à un des frères du roi, avec l’expectative de Toulouse et de son évêché, et des autres domaines de Raimond (Agenais, Rouergue, partie du Quercy et de l’Albigeois), si Raimond n’avait point d’autre hoir lors de l’ouverture de sa succession.
En outre, le comte de Toulouse jura d’être fidèle sa vie durant, à l’Église et au roi, et de maintenir la paix sur ses terres; en garantie de quoi il livrait aux royaux neuf forteresses, dont le Château-Narbonnais de Toulouse. Enfin l’autorité ecclésiastique veillerait, dans les pays entre le Rhône et la Garonne, encore infectés d’hérésie, au rétablissement et à la préservation de la foi.
Cinq mois plus tard, Roger Bernard, comte de Foix, se soumettait à son tour, à Melun.
Les événements politiques
La clause la plus dure était celle qui, relative au mariage de Jeanne, promettait éventuellement le Midi Toulousain à un prince capétien. « Le jour même où fut conclu l’arrangement, dit un conteur du temps, Raimond traitait le roi à sa table, quand, au milieu du repas, on frappa à la porte. C’était un prieur qui plaidait contre le comte à la cour de France. L’écuyer de service le reconnut et dit à son maître : Messire, c’est ce prieur que vous savez. – C’est bon, cria Raimond, dis-lui de compter les clous de la porte : je dine avec le roi. – Très bien, répliqua le religieux, quand la commission lui fut faite : mais dis à ton maître de manger le plus qu’il pourra, car il a vendu aujourd’hui l’héritage de ses pères. »
Le traité de Paris, très habilement rédigé, est, comme on l’a cru, l’œuvre du cardinal de Saint-Ange, c’est le plus signalé service que le Frangipani ait rendu à la cour de France. Mais ce n’est pas le seul. À tort ou à raison, la reine se conforma constamment à ses conseils.
Il réussit à prolonger jusqu’au 22 juillet 1229 la trêve avec les Anglais. C’est lui qui envenima une querelle, d’abord insignifiante, entre le gouvernement royal et l’Université de Paris, au point de mettre en péril l’existence de ce grand corps. Enfin, c’est grâce à lui que Thibaut de Champagne fut couvert contre les autres barons, ses ennemis, de la protection du Saint-Siège.
Les campagnes de 1230
La situation de Blanche paraissait meilleure à la fin de 1229 qu’en 1226, car le couronnement du jeune roi, Raimond VII abattu, Thibaut IV gagné et défendu, Pierre Mauclerc châtié, sans parler d’une victoire facile et trop chèrement payée sur l’Université de Paris, avaient attesté sa force.
Cependant, on l’injuriait grossièrement, elle, le cardinal et Thibaut. Les clercs de l’Université ne se gênaient pas pour dire, dans des chansons qu’il est impossible de citer textuellement, même en latin, qu’elle était trop bien avec le légat : « On nous dépouille, on nous enchaîne, on nous noie; c’est la lubricité du légat qui nous vaut cela. »
Cette plaisanterie circulait partout : le Ménestrel de Reims, écho des on-dits populaires, raconte que la reine fut accusée d’être « grosse du cardinal Romain » et qu’elle se fit voir, en chemise, pour confondre la calomnie. De leur côté, les gentilshommes n’étaient pas moins animés contre l’étrangère, l’avaricieuse, « dame Hersent », de mauvaises mœurs.
Bien est France abatardie Quant femme l’a en baïllie Signor baron, entendés, Et telle comme savés…..
On l’accuse de faire passer au-delà des monts l’argent du trésor royal; d’entourer son fils d’Espagnols, d’ecclésiastiques et de petites gens; de bannir de sa présence « les pairs de France », auxquels il appartient de gouverner.
Enfin, le rimeur Hugues de la Ferté, du parti des barons, accable d’incroyables invectives son protégé, son ami de cœur, le traître, l’empoisonneur, Thibaut de Champagne. Le comte Thibaut est un bâtard, un félon, plus expert en philtres qu’en chevalerie ; il se fait entretenir par la reine.
Et quelle tournure pour un galant, négligé, boursouflé, avec un gros ventre : « Un tel homme devrait-il avoir des seigneuries, des châteaux? Baigheuré barons, qu’attendez-vous? » Qu’attendaient-ils, en effet?
On s’étonnait de leurs menaces, de leurs conciliabules, de leurs allées et venues qui n’aboutissaient pas à des actes. L’auteur d’une chanson dialoguée exprime très bien les sentiments qu’éprouvaient, à l’automne de 1229, les plus ardents amis de la noblesse :
« Gautier, vous qui avez été avec ces barons, dites-moi si vous savez ce qu’ils veulent. Ne les verrons-nous jamais d’accord? N’en viendront-ils jamais aux mains d’assez près pour percer un écu blasonné?…. Elles durent trop longtemps, ces menaces. Chaque jour, ils s’assemblent en grande compagnie pour perdre leur honneur et leur argent : ce sont gens qui ne savent ni parler ni se taire. »
- « Pierre, répond Gautier, si l’on en croit notre comte Hurepel, et le Breton, et le hardi Barrois, et le sire des Bourguignons, avant que passent les Rogations vous verrez la forfanterie des Champenois si bien matée qu’il n’y aura roi qui les puisse défendre. Cependant le cardinal et le roi les ont naguère mis à mal par le conseil de dame Hersent…… »
L’orage attendu, différé, éclata en 1230. Au mois de janvier, Henri de Bar entra sur les terres du duc de Lorraine, allié des Champenois; il y brûla soixante-dix villages. Pierre Mauclerc, qui revenait de Portsmouth, où il avait excité Henri III à pousser ses préparatifs d’invasion, – la trêve entre la France et l’Angleterre était arrivée à son terme en juillet 1229, – fit notifier à Louis IX qu’il ne se considérait plus comme son vassal et qu’il transférait son hommage au roi anglais.
Questions-Réponses
Le couronnement de Louis IX a eu lieu à Reims.
Le cardinal de Saint-Ange était son principal allié.
Le traité de Paris a été signé, abandonnant au roi les pays qui formèrent les sénéchaussées royales de Beaucaire et de Carcassonne, et promettant le mariage de Jeanne, fille du comte de Toulouse, à un prince capétien.