Le Saint Empire germanique

Le Saint Empire germanique, colosse au pied d’argile fondé par Otton Ier de Saxe fut en réalité une série de lutte contre la papauté et l’émergence d’un nouveau pouvoir intérieur : les villes.

Sommaire

• Le Saint Empire germanique sans les romains
• Lutte contre la papauté
• Le Saint Empire germanique et sa lutte intérieure contre l’émergence des villes
• La querelle des investitures
• Décadence du Saint Empire Germanique
• Le pape Grégoire VII et l’Empereur Henri IV

Moi, Henry, j’abandonne à la Sainte Église catholique toute investiture par l’anneau et la crosse (symboles de la charge ecclésiastique). Je consens à ce que, dans toutes les églises de l’empire, il soit procédé à l’élection suivant les canons, et que la consécration soit libre… »

« Nous, Frédéric 1er, empereur des Romains, consentons à ce que les cités de la Ligue (lombarde) lèvent une armée et construisent des fortifications. Nous ne ferons inutilement demeure ni dans les villes, ni dans les diocèses… »

Nous rapportons ici deux déclarations très significatives : chacune traduit l’issue de deux grandes luttes soutenues par l’Empire germanique au Moyen Age, l’une contre la papauté, l’autre contre les communes italiennes.

La première émane de l’empereur Henry V (1122), la seconde de Frédéric Barberousse (1183). Toutes deux témoignent de dures défaites, après lesquelles l’Empire germanique tomba peu à peu en décadence. Fondé en 962 par Otton Ier; il s’effondra trois siècles plus tard pour n’être plus qu’un souvenir.

Nous nous proposons aujourd’hui d’étudier brièvement son histoire.

Le Saint Empire germanique sans les romains

L’empire fondé par Otton Ier de Saxe prit, nous le savons déjà, le nom de « Saint Empire romain germanique ».

Ce souverain voulait faire entendre par là que le centre politique du nouvel empire devait être en Germanie. Mais Otton III, empereur en 996, ne partagea pas cette opinion. Grand admirateur de la Rome antique, il se proposa de reconstituer l’ancien empire romain.

Selon lui, son centre politique devait se trouver dans la cité même des Césars. Dès son avènement au trône impérial, il fit donc de cette ville sa demeure. Convaincu, comme son ancêtre Otton Ier, que l’empereur détenait la plus grande puissance terrestre, il voulut aussi commander à l’Église, et s’arrogea le droit de nommer évêques et papes.

Mais il comprit vite que son désir de Constituer un nouvel « Empire romain» était un rêve irréalisable, et se trouva bientôt dans une situation difficile. Les Germains l’accusaient d’avoir oublié sa patrie, et les Romains haïssaient celui qu’ils considéraient comme un tyran. Ces derniers se soulevèrent contre lui et le chassèrent de leur ville. Otton III tenta d’y rentrer en janvier 1002, mais la mort le surprit en route. Il n’avait que 22 ans.

Lutte contre la papauté

« Le pape est au-dessus de tous les princes de la terre; il est leur juge. S’il les reconnaît indignes de régner, il peut les excommunier, les déposer et délier leurs sujets du serment de fidélité. » Ainsi s’exprime Grégoire VII dès son accession au Saint-Siège (1073).

Une telle proclamation s’adresse visiblement aux empereurs germaniques qui, depuis Otton Ier, se croyaient en droit de soumettre l’Église à leur autorité. Le trône impérial est alors occupé par Henri IV, de la maison de Franconie. Ce dernier refuse de reconnaître les limites que le pontife met à son pouvoir, et va jusqu’à proclamer Grégoire VII déchu du siège pontifical. L’Empire germanique sort finalement vaincu de la longue lutte qui l’oppose à Grégoire VII.

Enfin, en 1122, un accord est conclu à Worms, selon lequel il est
stipulé que :

1. la nomination des évêques revient au pape et non à l’empereur;
2. l’élection du pape est exclusivement réservée aux cardinaux.

Les successeurs d’Henri IV luttèrent encore contre l’Église dans l’espoir de l’assujettir à nouveau. Mais celle-ci, grâce à l’énergie de plusieurs pontifes, Innocent III en particulier, sut faire face aux attaques de ses adversaires. Sous Innocent III (1198-1216), les plus puissants souverains d’Europe (les rois de France, d’Angleterre, de Pologne, de Hongries et des autres pays) se déclarèrent « vassaux de la Sainte Église »,

Le Saint Empire germanique et sa lutte intérieure contre l’émergence des villes

Une autre force, celle des villes (communes), contribua à faire décliner la puissance de l’Empire germanique dans la péninsule italienne. Les communes défendirent leur indépendance avec un vif acharnement. Fermement résolus à se soustraire à l’autorité de l’empereur et à se gouverner eux-mêmes, les habitants des communes italiennes ne craignirent pas de se mesurer à plusieurs reprises aux fortes armées impériales.

Le premier qui s’attaqua aux libertés communales fut Frédéric Barberousse. Par cinq fois il descendit en Italie, décidé à écraser les communes. Elles ne se plièrent pas, mais se liguèrent. pour mieux résister. À Legnano, les troupes de la ligue parvinrent à mettre en fuite l’armée impériale (1176). Frédéric Barberousse se vit donc contraint de traiter (paix de Constance, 1183). Il dut reconnaître aux communes la liberté de se gouverner selon leurs propres lois, de «lever une armée» et de «construire des fortifications», pour se défendre contre leurs ennemis. Frédéric II, neveu de Barberousse, essaya lui aussi de soumettre les communes, mais en vain: elles sortirent une fois encore victorieuses de la lutte (1249).

La querelle des investitures

L’Empereur Otton Ier avait accordé aux évêques des titres nobiliaires. En choisissant des hommes d’Église de préférence aux hommes d’armes, il s’assurait une plus grande fidélité et évitait une éventuelle coalition des barons. Mais ce qui était avantageux pour lui tournait au détriment de l’Église. En effet, à partir du moment où les évêques devenaient ses « fonctionnaires », il était normal que l’empereur les choisit lui-même parmi ses hommes de confiance.

Les successeurs d’Otton Ier et les souverains de la maison de Franconie qui lui succédèrent utilisèrent ce système. Que s’ensuivit-il? Les personnes les plus indignes reçurent le titre d’évêque : il suffisait simplement qu’elles favorisent les desseins de l’empereur. Celui-ci, visant à la défense de ses propres intérêts, choisissait des hommes habitués aux intrigues de la politique, plus aptes sans doute à gouverner qu’à veiller sur l’âme des fidèles; souvent même ils n’étaient pas ordonnés prêtres.

Il devint vite nécessaire que l’Église mit bon ordre à un tel scandale. Il s’agissait avant tout d’établir à qui revenait la charge d’«investir » les évêques de leur autorité: d’où le nom de « querelle des investitures » donné aux controverses qui s’ensuivirent.

Décadence du Saint Empire Germanique

Les deux défaites que les empereurs germaniques essuyèrent tour
à tour contre la papauté et les communes ôtèrent beaucoup de prestige à l’autorité impériale. Par la suite, l’empereur Henri VII de
Luxembourg (1308-1313) essaya de la restaurer en Italie : nouvel
échec. A partir de cette époque, les empereurs ne descendirent plus
dans la Péninsule en conquérants, mais uniquement pour ceindre
la couronne impériale, ou parfois s’abaisser à demander de l’argent aux princes italiens en échange de privilèges et d’honneurs.


Le pape Grégoire VII et l’Empereur Henri IV

En 1073, un moine débordant d’activité, Hildebrand, est élu Pape sous le nom Grégoire VII. À peine parvenu au pontificat, il tranche le problème des investitures, en déclarant que l’autorité du pontife est supérieure à celle de l’empereur, et que ce dernier n’a pas le droit d’investir les évêques. Mais il se heurte, en la personne d’Henri IV de Franconie, à un caractère aussi fort que le sien. À l’injonction de Grégoire VII l’empereur répond en réunissant en concile les évêques qu’il avait lui-même nommés : ceux-ci déposent Grégoire VII du trône papal.

La riposte du pape est terrible : il destitue les évêques et excommunie Henri IV, déliant ainsi ses sujets du serment de fidélité.

Le peuple d’Allemagne se trouve alors contraint de choisir entre l’obéissance au pape ou à l’empereur : il préfère obéir au pape. Henri IV demeure seul et voit se dresser contre lui la plupart des princes de l’Empire.

Le souverain excommunié, craignant de perdre sa couronne, se rend donc à Canossa, pour obtenir le pardon du pape et reconquérir son autorité sur les nobles et son peuple.

L’homme marche dans la neige, entre la première et la deuxième enceinte du château fort. Il est pieds nus. Vétu d’un sac. Il avance la tête baissée : tout en lui trahit la douleur et l’humilité. Il doit attendre une journée entière avant d’être autorisé à franchir l’enceinte au-delà de laquelle s’étend un nouvel espace.

Puis il attendra un jour encore, en récitant les prières des pénitents. De mémoire d’homme, jamais hiver ne fut plus froid que celui-là! Ceux qui voient le pénitent sont pris de pitié, et intercèdent en si faveur: «un troisième jour de pénitence doit s’écouler » leur est-il répondu.

Le pèlerin est enfin admis à se présenter au maître de céans le pape.

L’homme se prosterne à ses pieds et implore le pardon de sa faute. Il reçoit de sévères remontrances. De dures conditions lui sont imposées : il accepte tout, pourvu que soit levée la lourd peine d’excommunication qui pèse sur lui. Le pape se lève et va sa rencontre : le pardon lui est accordé.

Nous sommes au château de Canossa, dans les Apennins. Qui
d’entre vous penserait que le triste pénitent ait pu être un empereur? Il s’agit cependant d’Henri IV, empereur d ‘Allemagne.

Cependant, le souvenir de l’humiliation qu’il a subie torture son âme: il cherche à prendre sa revanche. Il rassemble une armée et redescend en Italie : il assiège Rome, y pénètre. Le pape est mis en sûreté par le roi normand Robert Guiscard dans le sud de l’Italie. Il meurt l’année même, dans l’amertume de l’exil (1085).

Mais la ténacité et le courage de Grégoire VII n’ont pas été vains : quelques années plus tard, en 1122, au concordat de Worms, les empereurs renoncent pour toujours à nommer les évêques et laissent l’Église libre d’y pourvoir seule.


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