La guerre russo-japonaise démontre la supériorité de l’armée japonaise liée à sa modernisation très avancée par rapport aux armées européennes. Cette guerre servira d’observatoire aux européens et précède les doctrines de employées pendant la première guerre mondiale.
Sommaire
- Préface
- La guerre russo-japonaise, observatoire de la guerre moderne
- Pourquoi la guerre Russo-japonaise ?
- L’armée moderne du Japon
- Conclusion de l’analyse de la guerre russo-japonaise
Il est aujourd’hui courant de penser qu’en août 1914, l’Europe pensait rentrer en guerre comme elle sortait de celles du siècle précédent. Mais cette pensée devenue affirmation est en fait un jugement erratique du passé à travers un regard contemporain, remettant en cause les compétences voire carrément l’intelligence des chefs militaires de l’époque.
Préface
On peut cependant facilement se détacher de ce genre d’idées reçues (ou tout du moins de raccourcis) en élargissant son point de vue pour relever des éléments concrets qu’il suffira de suivre dans leur chronologie pour amener à une meilleure compréhension.
Il faut d’abord se rappeler que la Guerre Franco-Prussienne est alors considérée comme le dernier conflit à haute intensité ayant eu lieu en Europe, et que les puissances européennes vont chacune bâtir leur propre système militaire selon les enseignements qu’elles ont pu en tirer.
Il faut aussi tenir compte du fait que 44 ans séparent 1870 de 1914, et que contrairement à ce qu’ont suggérées les apparences, les penseurs militaires étaient tout à fait conscients des conséquences que peut avoir une paix qui dure sur les domaines tactique et stratégique. Ceux-ci doivent également composer avec les effets exponentiels d’une révolution industrielle qui commence à se faire sentir.
La guerre russo-japonaise, observatoire de la guerre moderne
L’amélioration constante de matériels toujours plus modernes mais qu’on ne peut pas expérimenter à pleine capacité dans l’intervalle entraine une sous-évaluation de leur pouvoir létal et destructeur, notamment en ce qui concerne les armes à feu.
La Guerre Russo-Turque, l’inqualifiable Guerre des Boers, les guerres coloniales et autres interventions militaires ne sont pas de natures à révéler pleinement l’indice de puissance technologique, même si elles suscitent plusieurs interrogations sur son rôle et son impact psychologique sur le soldat dans le cadre d’une guerre totale. Elles mettent aussi en évidence le contraste quasi-anachronique entre cette puissance technologique et des armées globalement restées sur un modèle napoléonien, entraînant un certain scepticisme et parfois même un rejet de la nouveauté.
Toutes ces données inédites sont extrêmement difficiles à interpréter pour les théoriciens qui n’ont aucun exemple antérieur auquel se référer, et mettre l’évolution matérielle en relation avec celle de la troupe qu’on ne peut que supposer constitue un cas d’école.
C’est pour toutes ces raisons que l’avènement de la Guerre Russo-Japonaise attire des observateurs militaires du monde entier. Et ce qu’ils vont découvrir dépassera de très loin leurs estimations les plus pragmatiques, pour ne pas dire pessimistes.
Pourquoi la guerre Russo-japonaise ?
Qu’on ne s’y trompe pas : Le Japon étant tributaire d’une forte contribution occidentale dans la construction son armée, les pronostics des militaires européens qui vont suivre le conflit sont beaucoup plus pondérés que ceux de l’opinion publique.
Ce qui impressionne, c’est surtout la manière dont cette armée d’à peine quelques décennies a su conceptualiser l’emploi d’armes et matériels à la pointe des innovations. La puissance technologique a pour les nippons une vocation résolument offensive, au contraire des occidentaux qui lui préfère une prudente posture de soutien à une infanterie toujours reine des batailles.
Il faut dire que ces derniers ont développés les feux de combats sur plusieurs siècles, qu’il leur a fallu repenser leur utilisation à chaque stade de ce développement et que les tentatives d’en définir une approche moderne seront forcément « polluées » par des démarches plus anciennes.
Les japonais les (re)découvrent eux d’un oeil contemporain, réalisent que leur potentiel de destruction tranche nettement avec les armes qu’utilisaient – il y a moins d’un 1/2 siècle – les armées des Shoguns et comprennent rapidement les avantages décisifs que confère la maîtrise de ce potentiel.
Ce constat alimente leur volonté d’exploiter les armements modernes au meilleur de leurs capacités et les contraintes liées à leur utilisation (par exemple la surconsommation de munitions) ne sont plus perçut comme insurmontables.
Cela va même engendrer une évolution parallèle du mode opératoire et de la composante logistique, ne faisant qu’accroître l’efficacité d’une armée à la valeur morale déjà très élevée.
Sur le terrain, le fruit de ces réflexions vont amener l’armée impériale japonaise, la plus jeune armée moderne au monde, à bouleverser l’art de la guerre.
L’armée moderne du Japon
Le champs de bataille est constamment dominé par son artillerie dont les effets dévastateurs préfigurent les grands affrontements de la Première Guerre Mondiale. Si elle ne parvient pas toujours à remplir le rôle de rupture qu’on lui a attribué, elle n’en reste pas moins déterminante dans l’issue des combats.
Elle détruit les points d’appuis ennemis, entame ses défenses, paralyse ses mouvements, interdit la concentration de ses forces, mais offre aussi un soutien clé à la progression ou aux manoeuvres de l’infanterie … Ses actions deviennent en outre systématiquement préliminaires à toute offensive.
Une autre de ses innovations est l’intégration massive de mitrailleuses dans l’infanterie. Considérée à l’origine comme de l’artillerie légère, son intervention était jusque très récemment ponctuelle et destinée à répondre à des demandes particulières et on ne sait pas trop comment employer les dernières versions, moins lourdes et disponibles en plus grands nombres mais plus gourmandes en munitions.
Son utilisation en première ligne va démontrer ses qualités réelles. Une défense articulée autour de positions de mitrailleuses se révélera inexpugnable, et les servants ne tarderont pas à lui trouver un usage opérationnel pour décupler la force offensive d’un assaut. Elle passe définitivement de pièce secondaire à arme indispensable, présente aujourd’hui encore dans toute les spécialités. Et elle devient ici, pour une longue période, la nouvelle « unité de mesure » de la puissance de l’infanterie.
Grâce à son corps du génie entièrement réformé, le Japon apporte à l’impressionante puissance de feu de ses armées une mobilité à l’épreuve de toutes les difficultés des terrains mandchoue et coréen.
La construction sur le Yalou de 19 ponts (dont 8 en « pièces détachées » faites d’acier allégé et transportables à dos d’hommes) de plus d’un km en moins d’une journée et sous le feu ennemi témoigne de l’incroyable efficacité des sapeurs nippons.
La puissance de feu infernale délivrée par le nouveau tandem artillerie/mitrailleuse, associée à la grande portée efficace des fusils derniers cris (pratiquement 1km), imposent ses règles et les batailles au sens qu’on leur prête vont prendre une dimension nouvelle.
Austerlitz, Sadowa et Woerth-Froeschwiller ne durent qu’une journée et peuvent se définir comme des engagements rapprochés continus ou les adversaires ne se perdent jamais de vue et ne s’éloignent pas au delà de la portée des armes.
Moukden, la Marne ou encore Verdun vont s’étaler sur plusieurs jours voire plusieurs mois, les engagements rapprochés se raréfient progressivement et sont parfois épisodiques. Lorsqu’ils ont lieu, ils se transforment en une boucherie où on se massacre à l’arme de poing, à la baïonnette, à la crosse de fusil. Dans l’intervalle, les adversaires se fortifient ou s’enterrent, se tirent dessus à l’arme lourde parfois sans se voir et la bataille s’enlise dans des combats de détails et autres opérations coup de poing.
Mentionnons aussi les effectifs engagés de plus en plus étoffés et le taux de mortalité au combat qui grimpe en flèche.
Conclusion de l’analyse de la guerre russo-japonaise
La Guerre Russo-Japonaise représente à ce titre la transition absolue de la guerre « à l’ancienne » vers la guerre moderne.
La planification très avant-gardiste des opérations achève de prouver que l’élève à bien appris de ses maîtres. Les objectifs sont choisis pour leur valeur stratégique – donc la ou les défenses sont les plus fortes – plutôt que purement militaire, chose qui imprégnait complètement l’esprit du samouraï d’hier.
Il s’agit de jouer la carte de l’audace en frappant de toutes ses forces dès le départ, le but étant de faire une démonstration de force devant les observateurs européens. Les japonais espèrent ainsi précipiter rapidement fin des hostilités car ils ont parfaitement connaissance des tensions qui minent l’Europe et savent très bien que les franco-anglais, qui comptent sur le géant russe pour équilibrer le rapport des forces avec les Empires Centraux, ne laisseront pas leur puissant allié s’embourber dans une situation qui l’obligerais à gérer plusieurs fronts très éloignés.
De plus, l’impact économique et les besoins industriels qu’auraient le conflit selon sa durée et son ampleur, l’échelonnement de la mobilisation, l’isolement diplomatique de l’ennemi, sa situation intérieure, le soutien des populations locales… tout ou presque a été pris en compte pour réduire au maximum le champs d’incertitude avant d’adopter une stratégie définitive.
La demande négociation russe qui intervient au moment où l’effort de guerre japonais est à la limite ce qu’il peut fournir démontre la pertinence de ce véritable planning prévisionnel d’avant la lettre.
Seul bémol au tableau, l’infanterie japonaise qui répond toujours à des tactiques de « batailles rangées ». Les officiers de terrains ne connaissent encore que les attaques frontales qui se font au moyens de masses compact se jetant littéralement sur le dispositif ennemi, engendrant de lourdes et inutiles pertes.
Le manque d’armes lourdes chez l’adversaire laisse aux soldats nippons une relative liberté de manoeuvres, et ceux-ci sont bien trop ancré dans un idéal guerrier traditionnel pour s’adapter en fractionnant par exemple leurs lourdes formations en petites unités.
Ces derniers paramètres ont induit les délégations étrangères en erreur, voyant dans les tranchées russes le symbole d’une passivité défensive qui leur a valu la défaite, alors qu’ils ont simplement développés de nouvelles approches tactiques leur permettant de combattre aussi efficacement que possible au vu de la faiblesse de leurs moyens.
Cette tragique incompréhension conduira les armées occidentales à renouer avec le culte de l’offensive, avec les conséquences non moins tragiques que l’on connaît.
Auteur : Christophe Logel
FAQ
La révolution industrielle
Le champs de bataille est constamment dominé par son artillerie dont les effets dévastateurs préfigurent les grands affrontements
Dossier Première Guerre mondiale
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